Quelle est votre parcours ?
J’ai 50 ans et j’ai été aide-soignante pendant plus de 20 ans dans les hôpitaux parisiens. Et puis je suis tombée malade et je n’ai plus eu la possibilité d’exercer mon métier. Mais j’avais une passion qui est aussi mon fil rouge : les livres. À l’hôpital, j’en avais d’ailleurs toujours un sur moi, dans la poche de ma blouse. Quand on travaille dans des services de transplantation, avec des patients en fin de vie, on est beaucoup dans le soin et je trouvais que prendre un temps de lecture avec eux, c’était un autre moyen de communiquer, tout en créant une sphère un peu « cocoon ». Je laissais les livres sur la table de nuit en disant aux patients : « dès que vous avez une visite, demandez-lui d’avancer un peu dans la lecture et je reprendrai ensuite là où vous vous êtes arrêtés. » Ça leur permettait ainsi de s’évader, le livre n’étant pas qu’un outil de connaissance, mais aussi un vecteur de partage et de communication. Car, que les gens lisent ou ne lisent pas, c’est toujours un sujet de conversation.
Pourquoi dites-vous que le livre est votre fil conducteur ?
Parce que depuis toute petite, en bonne dyslexique, le livre m’a toujours attiré, fasciné. J’ai été détectée dyslexique tardivement, en fin de quatrième et je me rappelle vraiment du jour où, petite, j’ai compris pour la première fois ce que j’étais en train de lire et de la frustration éprouvée en tournant la page et en découvrant qu’il n’y avait pas de suite : il s’agissait d’un manuel scolaire… Après ça, il y a eu les échanges autour de la lecture avec mes parents, puis la transmission à mes enfants, ces livres dans mon métier d’aide-soignante. J’ai ensuite travaillé bénévolement comme correctrice pendant cinq ans pour une maison d’édition associative. D’abord trois ans à Paris, puis deux à Nantes, où j’ai créé une antenne mobile qui me permettait d’aller sur des salons, de tenir des stands.
Quelles sont les particularités liées à la dyslexie ?
La dyslexie, c’est un problème cognitif. Quand le cerveau d’une personne « lambda » va aller d’un point A à un point B, celui d’une personne dyslexique va devoir chercher des solutions pour arriver au même point. On doit créer nos propres synapses et nos propres chemins neurologiques. Pour autant, les dyslexiques sont tous différents et on a toujours plusieurs dyslexies cumulées. On en a repéré onze pour le moment… Avec la mienne, j’ai besoin de lire tous les mots d’une phrase pour qu’une image se fasse et que je puisse comprendre ce que je suis en train de lire. Et donc s’il y a une coquille sur un mot ou s’il manque une lettre, un mot, ma lecture s’arrête et je bugge. Et comme je suis aussi dysmnésique (je suis incapable d’apprendre un texte par cœur et de le réciter, mais quand je lis, je peux dire que dans tel chapitre l’auteur a parlé d’un couteau qui n’apparaît plus pendant le reste du livre), je me suis rendue compte que le parcours du combattant que j’avais connu depuis gamine, je le retrouvais chez les personnes que je rencontrais. Il y avait des parents qui me disaient que leur enfant n’aimait pas lire, des maîtresses avec des classes d’élèves au niveau de lecture très disparate, des orthophonistes qui cherchaient certains types d’ouvrages et des enfants qui me disaient qu’ils n’aimaient pas lire. Or, quand on est enfant, il y a toujours une raison derrière un « j’aime pas lire…