Comment êtes-vous venue à l’entrepreneuriat ?
Il n’y a pas de hasard ! J’ai grandi en pleine campagne, en bord de Sèvre et mon père a créé une entreprise sur les économies d’énergie quand je suis née en 1980. J’ai donc été élevée dans un milieu entrepreneurial et dans la sobriété. Je suis une « native impact » : la nature, c’est très important pour moi. D’ailleurs je me mets au vert une journée par semaine. Mon ADN est profondément nature. C’est là que je me ressource, que je reprends espoir. C’est là aussi que j’ai toutes mes idées de stratégie.
J’ai aussi fait des études en école de commerce qui m’ont conduite en Chine et en Afrique. La géopolitique m’a donné ce côté vision, prospective, très utile. Puis j’ai suivi mes parents qui sont allés mettre en place un écolodge 1 au Sénégal : j’ai appris à vivre en autonomie pour l’eau et l’électricité. J’ai eu mes deux premiers enfants à cette époque. Et j’ai créé Toovalu dans la foulée, en 2008. J’ai aussi fait cinq ans de conseil très spécialisé sur l’environnement entre 2010 et 2015.
Comment a réagi le marché au départ ?
On était un peu des Ovni… Les gens ne comprenaient pas. Un logiciel de pilotage de la performance environnementale ? C’était incompréhensible jusqu’à la Cop 21. Maintenant, le marché est en train d’exploser, mais il faut savoir qu’en décembre 2019, on a fait une petite levée de fonds : les business angels et les investisseurs disaient qu’ils ne voyaient pas le potentiel de marché sur le climat ! J’ai péniblement réussi à lever 200 000 € là où aujourd’hui on pourrait lever 20 M€. On avait encore cette image de Cassandre : personne n’avait envie d’entendre qu’il fallait moins prendre l’avion, faire attention à ses fournisseurs à cause des ruptures possibles de matière, d’énergie… Jusqu’au Covid.
L’entreprise qui a dix ans devient autonome, Elle veut tracer sa route. Et pour que ça fonctionne, il faut lui lâcher la main !
Vous avez le sentiment qu’une marche a été franchie ?
Ah oui ! Avant, quand je disais qu’il fallait moins prendre l’avion ou faire attention à l’usage du numérique, les gens rigolaient. La notion de business était totalement prioritaire et tout ce qui pouvait l’entraver était vécu comme contrainte. Alors que là, il y a une compréhension profonde du fait que ce n’est pas un truc d’écolo. Pendant le confinement, il y a eu des prises de conscience individuelles fortes et aujourd’hui, c’est un sujet stratégique pour nos clients. Dans les comités stratégiques, il n’y a plus de problèmes de budget et on voit le président, la présidente qui demandent désormais pourquoi on ne va pas plus vite.
Qui sont vos clients ?
On a de tout, même si on travaille beaucoup avec l’industrie, le retail et le bâtiment et plutôt avec des ETI car j’ai à cœur que ce soit un sujet stratégique. Toovalu est un outil au service de la direction car aujourd’hui les entreprises ne savent pas faire autrement que piloter. Et même pour celles qui font bien, au bout d’un moment, on se perd. Il faut définir des priorités, donc des axes stratégiques et c’est pour ça que je pense que le bilan carbone n’est ni scalable ni automatisable.
Selon vous, la prise de conscience des entreprises est-elle générale ou inégale ?
Aujourd’hui, je dirais qu’on n’est pas loin de la moitié de mes clients qui ont compris, sont en route. Ils ont fait plusieurs bilans carbone, savent où ils vont réduire les premiers 10 % puis les 10 prochains. En revanche, dans les très grosses entreprises, j’ai l’impression qu’ils sont encore hors sol. Le sens de cette réalité n’est pas encore vraiment intégré. On est encore dans le côté « business first » et on s’intéresse au climat parce que c’est un enjeu business. Ainsi, je suis all…