Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Économie circulaire : enjeux et ambitions autour du plastique

À l’occasion d’une journée de réflexions et d’échanges dédiée à l’économie circulaire le 14 novembre à Pornichet, deux tables rondes ont été proposées aux quelque 200 personnes présentes autour du thème du plastique. Quels enjeux et quelles ambitions pour ce matériau qui fait tant parler de lui ? Éléments de réponse.

économie circulaire, plastique, recyclage

De gauche à droite : Axelle Bourry, Philippe Bolo, Jean-Michel Buf, Johnny Gaspéri et Xavier Métay ont débattu sur les enjeux et les opportunités liés au plastique à l'occasion d'une journée organisée conjointement par la Région Pays de la Loire, la Dreal et l’Ademe, en partenariat avec le Comité 21. ©IJ

« On génère en France 60 kg de déchets plastiques par an et par habitant, et on en retrouve 10 à 20 g dans la nature ». Johnny Gaspéri annonce la couleur. Le directeur de recherche à l’IAE Gustave Eiffel à Nantes (laboratoire eau et environnement) détaille : « Ici, très peu de déchets vont de la Loire à la mer, mais ils vont stagner dans des milieux réceptacles et peuvent y rester pendant 40 ans ». Et quand il s’agit de microplastiques (inférieurs à 5 mm), vider entièrement la nature de ces déchets se révèle complexe.

Produit en plastique biosourcé et écoconçu : la solution ?

Pour Axelle Bourry, ingénieure en recyclage des plastiques à l’Ademe, au-delà de la pollution engendrée, la problématique réside dans le fait que le recyclage ne bénéficie à ce jour d’aucune véritable filière. « Seuls 26 % du plastique en moyenne sont recyclés en France  », alerte l’ingénieure, listant trois leviers à actionner : « Une forte réglementation, l’aide publique et l’écoconception des produits. » Cette dernière semble en effet fondamentale, de même que l’analyse de cycle de vie d’un produit. Aujourd’hui, quand un industriel fabrique un produit, il doit d’abord penser à toute la chaîne de valeur créée par son produit, de sa conception à son transport, de sa durabilité à sa fin de vie. David Trioux, fondateur, il y a deux ans, de Nouvelle Plasturgie, spécialisée dans l’injection de matières biosourcées[1] et de matières plastiques recyclées (et par ailleurs l’une des sociétés lauréates de l’appel à projets Économie circulaire 2023) le confirme : « L’enjeu est en effet présent pour les entreprises dès la conception du produit, mais pour nous, l’objectif est aussi de les accompagner à maîtriser la fin de vie de leur produit. Nous faisons d’ailleurs énormément de sourcing pour aller chercher le meilleur matériau biosourcé. » Il s’agirait donc « d’aller de plus en plus vers la conception de produits en plastique biosourcé et éco-conçu », résume Jean-Michel Buf, conseiller régional délégué à l’économie circulaire et partie prenante dans la désignation des 34 lauréats primés par la Région pour leurs initiatives innovantes en matière d’économie circulaire.

Créer une filière du recyclage

Un mantra pas si simple à concrétiser, notamment pour un produit à multiples composants, pour lequel la fin de vie sera d’autant plus complexe à gérer. Pour Nicolas Longhitano, chargé de mission en polymères biosourcés chez Polymeris, pôle de compétitivité dédié aux caoutchoucs ayant rejoint Atlanpole il y a quelques mois, il apparaît d’une part nécessaire de mener des « études d’impact sur la santé » car l’ingestion de plastique se fait à la fois par l’air, l’alimentation et l’eau. Et d’autre part, il est essentiel de faire « évoluer la réglementation ». Enfin, il estime qu’il faut penser une « chaîne logistique complète de recyclage du plastique », même si un frein se dessine encore : le coût de la matière recyclée par rapport à la matière vierge (c’est-à-dire une matière première non recyclée comme le bois, le charbon, le gaz naturel, les minerais métalliques). Sur cette idée de chaîne logistique de recyclage, Étienne Poirier, chargé de développement à l’Atelier des recycleurs fous, ne peut qu’abonder. Cette petite structure vendéenne à double casquette a pour objectif, du côté de son activité entrepreneuriale, la conception, fabrication et commercialisation de machines low-tech[2] de recyclage du plastique, et, du côté de son activité associative, la transformation de déchets de production en produits d’usage recyclés. Preuve s’il en est que l’univers de la plasturgie représente un terrain fertile à l’innovation.

Chez Fleury Michon, « le juste emballage »

Avec chaque année 355 millions de produits vendus et 9 700 tonnes d’emballage, Fleury Michon représente à lui seul un vrai cas d’école. Sur ce tonnage, 80 % sont en plastique, 13 % en carton, 5 % en verre et 2 % en bois. Le groupe agroalimentaire indique s’être engagé dans la transition dès 2019 avec un unique objectif : « Développer le juste emballage » selon Clément Fournis, responsable R&D emballage chez l’industriel, à commencer par l’utilisation du bois. L’idée pour l’entreprise vendéenne est de passer progressivement du produit complexe (multimatières) au monomatière pour en améliorer la recyclabilité.

Le plastique, encore négativement connoté ?

Pour autant, selon une étude Pôle emploi[3], si la région comptabilise 17 350 salariés et un dépôt d’offres en hausse de 8,2 %, les projets de recrutements en 2023 ne représentent que 0,7 % des projets régionaux quand le secteur pèse 1,5 % de l’emploi salarié ligérien. La demande d’emploi se raréfie (-22,6 % sur un an) et « les tensions restent très élevées » selon cette même étude. Pour Delphine Trioux, codirigeante de Nouvelle Plasturgie, « nous sommes la deuxième région de France en nombre d’emplois pour la plasturgie, et pourtant, nous manquons de personnel, de formations destinées aux professionnels et de référentiels dans les écoles, ce qui explique qu’ensuite, en ateliers, dirigeants comme techniciens de production ne savent pas quel matériau utiliser », analyse Delphine Trioux. Qui conclut : « La plasturgie n’est pas plébiscitée, alors qu’il s’agit d’une filière de transformation au futur extrêmement désirable. »

[1] Les matériaux biosourcés proviennent d’organismes vivants d’origine végétale, animale et algale.

[2] Low tech : mise en œuvre de technologies simples, peu onéreuses, accessibles à tous et facilement réparables, faisant appel à des moyens courants et localement disponibles.

[3] Source : Portrait sectoriel de l’emploi dans la plasturgie – Étude Pôle emploi Pays de la Loire – septembre 2023.