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David Le Glanaer, fondateur de Neïmo : « Créer une entreprise c’est un acte de rébellion »

Pendant plus de 20 ans associé dirigeant de l’ESN Syd, David Le Glanaer a choisi de vendre ses parts au printemps 2020 pour démarrer une nouvelle activité : Neïmo. Cet homme de réseau propose aujourd’hui aux entreprises de découvrir leur « raison d'être authentique » et de les accompagner dans leurs pivots stratégiques dans une période de turbulences annoncée. L’occasion de l’interroger sur toutes ces notions…

David Le Glanaer fondateur Neïmo

David Le Glanaer, fondateur de Neïmo. © Benjamin Lachenal

Quel a été le déclencheur de votre changement d’activité ?

On a atteint les 300 personnes chez Syd et j’ai constaté que l’entreprise avait beaucoup moins besoin de moi. Avec cet effectif, une entreprise a surtout besoin de personnes qui gèrent et développent, et moins qui inventent. Et moi j’invente ! Le déclencheur, c’est que l’on a fait une “thérapie de couple” avec Yann (Trichard, NDLR) chez des gens qui nous avaient suivis lui et moi de manière séparée au CJD. Après 22 ans de “mariage”, il fallait faire le point. Et en fait on s’est aperçus à quel point Yann était attaché à l’entreprise et à son métier de dirigeant de cette entreprise, tandis que moi j’étais déjà parti. D’ailleurs, quand on a annoncé mon départ aux collaborateurs, ils n’ont pas été étonnés. Ils m’ont dit que les seuls moments où ils me voyaient avec des étoiles dans les yeux c’était quand je leur parlais de mes activités “extra-scolaires”, via les séminaires, les conférences et les accompagnements stratégiques que je faisais.

Quand avez-vous franchi le pas finalement ?

J’ai vendu mes parts à Yann au printemps 2020 et, derrière, il m’a fallu un peu de temps… À ce moment-là, j’ai discuté avec beaucoup de chefs d’entreprise qui avaient vendu leur boîte. Ils m’ont tous dit : « Fous-toi la paix ! Après 22 ans d’une identité sociale et professionnelle, laisse-toi neuf mois, un an, une gestation pour changer de peau »… Et j’ai monté Neïmo neuf mois plus tard !

Quel a été votre cheminement pour passer d’un groupe spécialisé dans les services numériques au conseil stratégique ?

Pendant des années, je me suis impliqué au sein du Centre des jeunes dirigeants (CJD). D’abord à Paris pendant treize ans, puis à Nantes pendant deux ans. Et j’ai occupé des fonctions nationales, notamment sur la prospective. Par amitié, le réseau m’a fait prendre le rôle de conférencier et j’y ai pris goût. Parallèlement, j’ai assisté à une conférence de Simon Sinek1 : j’ai été bluffé par la simplicité, le sens profond, ainsi que la puissance de vie que ça donnait aux entreprises de connaître son “why”2. Alors j’ai cherché celui de Syd… Avec un succès moyen puisque je l’ai cherché pendant huit ans ! J’ai fait beaucoup d’erreurs, connu beaucoup de tâtonnements, car la difficulté, c’est que Simon Sinek n’explique pas comment trouver son “why” !

Pourquoi était-ce si compliqué ?

Trouver une méthode d’exégèse n’est pas très rapide, d’autant qu’il n’y avait pas de littérature sur le sujet à l’époque.

J’ai cru à un moment donné que la raison d’être se trouvait dans la culture et le comportement des collaborateurs, de l’inconscient collectif. Je me suis dit qu’on était des gens de soin et d’attention, ce qui m’a donné le “care”, un mot anglais assez pratique car il veut dire à la fois soin et attention. C’est là que j’ai écrit la baseline du groupe “digital care”… Et puis un jour Yann m’a proposé de racheter un cabinet en assurance santé. Et là, je lui ai répondu : « bof… » Et finalement ma réaction m’a étonné et c’est comme ça que j’ai compris que le care n’était pas le “why” de Syd, mais son “how”. Ce qui voulait dire que le “why” devait se trouver à un autre endroit…

À ce moment-là, je me suis dit qu’il y avait un très fort écart entre travailler et entreprendre. Quand vous entreprenez, il y a un tel engagement tête-corps-cœur, que vous imprimez dans votre entreprise qui vous êtes, consciemment et inconsciemment. J’ai fait le pari – qui du coup s’est avéré réussi -, que quand on prend le ou les fondateurs d’une entreprise et qu’on les interroge sur ce qui, pendant leur enfance, leur adolescence ou leur vie de jeune adulte, a été cette rencontre entre le monde tel qu’il devrait être selon eux et le monde tel qu’ils ont constaté qu’il était, on avait la source du “why”. Car mon intime conviction, c’est que créer une entreprise, c’est un acte de rébellion. Il y a une rébellion consciente, parce qu’on se dit que ce n’est pas possible que tel produit ou service n’existe pas…