Manitou, Airbus… Le travail reprend progressivement dans les usines de Loire-Atlantique. Mais comment s’assurer que ce redémarrage s’établit dans de bonnes conditions pour les salariés, dans le respect des gestes barrières et de la distanciation sociale édictés par le gouvernement ?
La CCI Nantes St-Nazaire a organisé un webinaire vendredi 24 avril pour apporter des éléments de réponse aux chefs d’entreprise.
Hervé Thomas, délégué général de l’Union des industries et métiers de la métallurgie du département (UIMM44) a ainsi présenté un guide regroupant les mesures pour mettre sur pied un plan de reprise d’activité (PRA). « Cela demande bon sens et méthode, explique-t-il. Avec quatre priorités : identifier les situations à risque, impliquer le personnel, le préparer en amont, se procurer des équipements de protection individuelle (EPI) et organiser leur utilisation. »
UN GUIDE DE L’UIMM
Ce guide de l’UIMM est un recueil de bonnes pratiques issues de remontées de terrain et avalisé par le ministère de la Santé. Par exemple, à l’accueil, le guide conseille de faire signer les visiteurs avec leur propre stylo, d’échanger un document via des bannettes, de ne plus disposer de magazines à l’entrée… « Il couvre de nombreuses situations, mais attention, cela ne prémunit pas d’un éventuel contentieux », prévient Hervé Thomas.
Le groupe de menuiserie CETIH, basé à Machecoul, a repris son activité ces derniers jours. Son directeur général, François Guérin,
revient sur son expérience : « Nous avons décidé, dès le lundi 16 mars, la fermeture des usines à compter du mardi 17 à 12 h et ce pour trois semaines. Avec, entretemps, beaucoup de travail. Nous étions animés de convictions fortes : nous mettre en mouvement pour apprendre à travailler dans cet environnement, prendre nos responsabilités et ne pas nous dire que l’État allait tout payer, entreprendre ces démarches avec un collectif fort en impliquant les élus et les collaborateurs, les syndicats, les fournisseurs… »
RIGUEUR ET DIALOGUE
CETIH a préparé un PRA avec des actions basées sur le guide de l’UIMM, « renforcées avec nos spécificités, indique François Guérin. Le plan doit être formalisé de manière précise et lisible pour que cela marque les esprits. » L’entreprise a organisé un sas d’une heure avec chaque collaborateur : « Une heure de formation au cours de laquelle nous avons briefé chaque salarié. À l’issue de cette formation, chacun a signé un engagement personnel à respecter les consignes. » Et de rappeler : « Il est important d’effectuer un gros travail collectif. C’est un élément clé de la confiance, tout comme l’est la rigueur dans l’application des consignes. »
Chez CETIH, le masque est obligatoire. L’entreprise a opté pour des modèles lavables que les salariés nettoient le soir. Un kit de quatre unités par personne leur a été procuré. Même si le masque n’est pas obligatoire selon les règles actuelles. « Mais il est indispensable pour certains postes, comme les portes de charges. Il faut consulter la médecine du travail », rappelle Louis Mazari, directeur de la Direccte de Loire-Atlantique. Pour aider les entreprises à trouver des EPI, les branches de métiers, le Conseil régional ou encore le site Stopcovid.fr mettent en ligne des contacts de fournisseurs. « Au départ, les commandes concernaient de gros volumes mais aujourd’hui elles sont de plus en plus petites. Les moyens de production se réorganisent. Mieux vaut sélectionner des fournisseurs français et les payer le plus rapidement possible, surtout quand le PGE a été versé », insiste Yann Trichard, président de la CCI Nantes St-Nazaire.
D’autres aspects pratiques ont été abordés pendant cette heure de discussion avec les chefs d’entreprise. Ainsi, concernant les claviers partagés, notamment en formation, il convient de les nettoyer avec des lingettes désinfectantes et de mettre un film de protection à enlever après chaque utilisation. Des dispositions sont à prendre dans le PRA pour les livreurs, les fournisseurs, les clients concernant l’utilisation du masque. Sachant que plusieurs milliers de visières de protection ont été fabriquées à l’Université de Nantes. « Elles sont très utiles pour les projections dans les yeux, mais il faut porter un masque, ça ne le remplace pas », précise l’UIMM.
DÉCALER LES HORAIRES
La CCI Nantes St-Nazaire a, par ailleurs, contacté les collectivités territoriales au sujet des transports en commun. « Leur mise en place sera adaptée à l’usage, avec une organisation au fur et à mesure que les mesures de déconfinement se précisent », a indiqué Yann Trichard. « Après le 11 mai, l’offre de transport en commun sera différente, expose la Direccte. Il est de la responsabilité des entreprises de prévoir un étalement des horaires des salariés pour qu’ils soient le moins possible tous ensemble dans les transports, lors des arrivées sur site… »
Ces dernières années, le groupe CETIH incitait au covoiturage, mais l’entreprise ne l’autorise plus en ce moment sauf pour les cas sans alternative, « notamment les jeunes qui n’ont pas encore leur permis. On leur indique alors de ne pas être plus de deux par voiture et de se placer en quinconce », explique François Guérin.
«MAINTENIR LES MESURES ENVIRONNEMENTALES»
S’agissant du droit de retrait des collaborateurs, le directeur de la Direccte Louis Mazari rappelle : « Dans la méthode de travail, il est crucial de travailler une vraie co-construction et non de faire une simple validation par les représentants du personnel. Il faut aller au-delà du légal dans le dialogue social. Il existe un aspect psychologique dans cette crise qu’il est légitime de prendre en compte. En termes juridiques, si l’entreprise a mis en place l’ensemble des gestes barrières, il ne devrait pas y avoir de recours au droit de retrait. » Le directeur général du groupe CETIH, François Guérin, estime ainsi : « Nous avons une obligation de moyens mais pas de résultats. Donc la reprise nécessite de la rigueur. » À titre d’exemple, CETIH a organisé un audit régulier avec des preuves factuelles des mesures prises dans chaque service.
Et dans une allusion à peine masquée aux récentes prises de position du Medef sur l’allongement du temps de travail et la suspension des mesures environnementales, François Guérin conclut : « Faisons de nos sites des sanctuaires en termes de santé, de sécurité et d’hygiène. Nous vivons une période difficile qui demande de l’équité, écoutons les plus fragiles. Dans le monde de demain, les urgences sociale et environnementale seront clés. Il faut maintenir ce qui a été décidé. »
Plus d’informations : ALLO PME 02 40 44 60 01