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Comment évaluer une perte d’exploitation?

Plusieurs compagnies d'assurance ont décidé d'indemniser pour partie les pertes d'exploitation de leurs assurés due au Covid-19. Mais comment apprécier cette perte d'exploitation ? Éléments de réponse.

La crise sanitaire actuelle a désorganisé de très nombreuses entreprises, qui subissent une chute considérable, voire un arrêt total de leur activité depuis le début du confinement. Certaines d’entre elles, couvertes par un contrat d’assurance multi­risque professionnelle intégrant une garantie perte d’exploitation, se sont tournées vers leur assureur afin d’obtenir une indemnisation. Dans le même temps, les pouvoirs publics ont également fait appel à la soli­darité du secteur de l’assurance vis-à-vis de leurs assurés. 
Fin avril, plusieurs compagnies d’assurance ont décidé d’indemniser les pertes d’exploitation de leurs assurés dues au Covid-19 par devoir moral, tout en rappelant que les conséquences économiques de la crise sanitaire actuelle ne sont pas couvertes par leurs contrats d’assurance.

Pour les entreprises assurées, se pose alors la question de l’évaluation de leur perte d’exploitation. L’entreprise sinistrée doit ainsi calculer la différence entre ‘‘ce qui a été gagné pendant la période sinistrée’’ et ‘‘ce qui aurait été gagné en 
l’absence de sinistre’’.

DÉFINIR LA PÉRIODE SINISTRÉE

Il convient tout d’abord de définir précisément la période sinis­trée : celle-ci commence avec le début des conséquences néga­tives du sinistre (première rupture d’approvisionnements, annulations de commandes, le début du confinement…) et se termine, non pas dès la cessation des restrictions à l’acti­vité économique, mais une fois que l’entreprise a retrouvé son plein équilibre financier ante sinistre. Ainsi, la fin de la période sinistrée, pour un restaurateur, ne se situe pas à la 
levée de l’interdiction administrative d’exercer son activité mais lorsqu’il aura retrouvé un niveau d’activité similaire (estimé 
en nombre de couverts, en chiffre d’affaires par service…) à ce qu’il connaissait avant la crise sanitaire.

Ensuite, l’entreprise doit mesurer la perte d’exploitation subie durant la période sinistrée, qui ne peut consister uniquement en la perte d’un chiffre d’affaires : celle-ci se définit comme la perte de chiffre d’affaires découlant directement du sinistre, diminuée des coûts économisés, soit une perte de marge.

DÉTERMINER LE CHIFFRE D’AFFAIRES MANQUÉ

Le chiffre d’affaires manqué durant la période sinistrée peut être évalué au regard de l’activité de la même période lors des années antérieures, en tenant compte de la dynamique de croissance de l’entreprise, mais aussi au travers de l’analyse des capacités commerciales et de production de l’entreprise, de son plan d’affaires, ou encore à partir de données sectorielles. À ce chiffre d’affaires théorique, qui aurait été réa­lisé en l’absence du sinistre, il convient de déduire le chiffre d’affaires qui a été réalisé durant la période sinistrée. Ainsi, un restaurateur qui a pu transformer son activité de restauration en salle par des ventes à emporter devra tenir compte du chiffre d’affaires ainsi sauvegardé. Il en va de même pour un hôtel qui aura été réquisitionné pour accueillir des patients en isolement le temps d’une quarantaine et en obtiendra un dédommagement. Le chiffre d’affaires manqué n’est donc pas une simple reproduction à l’identique du chiffre d’affaires réa­lisé l’année précédente durant la même période, mais nécessite une analyse de la dynamique de l’entreprise et de sa capacité d’adaptation face aux conséquences d’un sinistre imprévu.

MESURER LES COÛTS ÉVITÉS

L’étape suivante consiste à mesurer les coûts évités. Cela implique de prendre en considération l’ensemble des dépen­ses qu’il aurait été nécessaire d’engager pour réaliser le chiffre d’affaires qui a été manqué. Il convient ainsi de balayer l’ensemble des charges, fixes et variables, habituellement supportées par l’entreprise pour fonctionner. Le coût salarial du personnel ayant bénéficié des mesures d’activité partielle entre par conséquent dans ces coûts supportés par l’entreprise dans le cadre de son activité normale, de même que les annulations de loyers éventuellement consenties par un bailleur. En revanche, les diverses mesures de report de charges, n’ont pas eu pour effet de réduire la dépense mais seulement d’en décaler le règlement, ainsi, ces reports n’entrent pas dans la définition des coûts évités. À l’issue de cette étape, l’entreprise est en capacité de déterminer avec précision la marge sur coûts évités dont elle a été privée du fait du sinistre, qui n’est donc pas une simple marge brute accessible en lecture directe d’un compte de résultat mais qui résulte d’une analyse in concreto du modèle d’affaire unique de l’entreprise sinistrée.

INTÉGRER LES SURCOÛTS SUPPORTÉS

Enfin, outre la marge sur coûts évités, la perte d’exploitation intègre également les surcoûts supportés à l’occasion de la crise sanitaire. Par conséquent, les dépenses de gardiennage rendues nécessaires par la fermeture prolongée des commerces, les frais bancaires dus à un recours accru au découvert bancaire ou encore les honoraires des conseils juridiques et financiers sollicités afin de bénéficier des mesures exceptionnelles décidées pour sauvegarder le tissu économique entrent dans le champ des pertes d’exploitation subies par l’entreprise. Là encore, c’est l’analyse concrète des actions engagées pour réduire l’impact du sinistre qui permettra d’obtenir une estimation fiable de la véritable perte d’exploitation supportée par l’entreprise sinistrée.

UNE COUVERTURE ASSURANTIELLE 
AMENÉE À ÉVOLUER 

Les propositions d’indemnisation actuelles des compagnies d’assurance, comprises dans une fourchette de 1 000 € à 20 000 €, ne permettront pas d’indemniser la véritable perte d’exploitation subie par leurs assurés dans la grande majorité des cas. Celles-ci ne s’y trompent d’ailleurs pas, qualifiant l’indemnisation en question de « prime de relance mutualiste » ou encore d’ « indemnité de crise sanitaire ». Pour l’avenir, un groupe de travail a été mis en place par Bruno Le Maire afin que soit développée une couverture assurantielle des événements exceptionnels de type pandémie qui permette une couverture adaptée à un coût abordable tant pour les entreprises que pour la collectivité publique.

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