Couverture du journal du 03/05/2024 Le nouveau magazine

Bonus réparation textile : « Un afflux de nouveaux clients »

Lancé le 7 novembre dernier par l’État, le bonus réparation textile est un coup de pouce financier de 6 à 25 € suivant les pièces, qui vise à inciter les Français à faire réparer leurs chaussures et vêtements abimés. Un moyen de réduire les déchets du secteur textile tout en boostant l’activité de réparation des cordonniers et ateliers de couture.

Selon Laura Paul, gérante du magasin Rapid’Couture rue Paul-Bellamy à Nantes, les premiers retours du bonus réparation textile sont « très encourageants ». ©Irys Photographie

Selon Laura Paul, gérante du magasin Rapid’Couture rue Paul-Bellamy à Nantes, les premiers retours du bonus réparation textile sont « très encourageants ». ©Irys Photographie

Après le bonus réparation pour les appareils électriques et électroniques lancé en 2022, l’État s’attaque à la garde-robe des Français. Il vient en effet de déployer le 7 novembre sur le plan national un dispositif similaire à destination du textile. Objectif : inciter les Français à prolonger la vie de leurs vêtements et chaussures en les faisant réparer à moindre coût.

Gérante du magasin Rapid’Couture rue Paul-Bellamy à Nantes, Laura Paul a expérimenté ce dispositif en avant-première : « Nous avons effectué une phase de test de deux semaines en avril dernier avec des résultats très positifs à la clé : quand on le présentait à nos clients en leur expliquant qu’on ne savait pas s’il serait véritablement déployé, ils rentraient chez eux vider leurs placards et revenaient nous apporter des tas de vêtements à réparer. »

« Les réparations redeviennent accessibles »

Un peu plus d’une semaine après son lancement officiel, les premiers retours sont « très encourageants » pour Laura Paul : « Le dispositif a été très bien accueilli par le public et m’a amené un afflux de nouveaux clients. En revanche, je ne sais pas précisément dans quelle mesure car je n’ai pas suffisamment de recul. Ce qui est sûr, c’est que de nombreuses personnes qui ont entendu parler du bonus viennent se renseigner pour savoir quelles pièces sont concernées et comment les réparations sont prises en charge. Je suis convaincue qu’on va les voir revenir d’ici peu… Grâce au bonus, on va donc sauver de nombreux vêtements dans les semaines et mois à venir. »

Un constat globalement partagé par Mahori Lemoine, responsable de la boutique Mister Minit au centre commercial Beaulieu de Nantes. Lui aussi constate « un afflux de nouveaux clients depuis le lancement du bonus. D’ailleurs, avant sa mise en place, une bonne partie de notre clientèle trouvait nos tarifs excessifs voire dissuasifs. Là, toutes les réparations redeviennent accessibles et toutes les catégories sociales peuvent en bénéficier. Par exemple, le remplacement d’un talon, normalement facturé 22,90 €, est passé à 15,90 €. C’est le genre de nouvelle que j’annonce avec plaisir à mes clients, surtout dans un contexte d’inflation. »

« Participer à la transition en favorisant la réparation »

En plus d’améliorer le pouvoir d’achat de ses clients, c’est également un honneur pour le cordonnier de formation « de participer à la transition en favorisant la réparation plutôt que l’achat d’une nouvelle paire de chaussures. Quand on m’amène une paire de chaussures presque détruites et que le client repart avec quasiment neuves quelques semaines plus tard, c’est à la fois une fierté pour moi et un plaisir pour le client de pouvoir les chausser à nouveau. Grâce au bonus, certains clients ont désormais le réflexe de vouloir réparer leurs chaussures plutôt que d’en racheter une paire. Ça c’est un véritable changement », se félicite le responsable.

Faire évoluer les mentalités tout en sauvant de nombreux vêtements et chaussures est effectivement tout l’enjeu du dispositif : son objectif est de passer de 16 millions de pièces réparées en 2019 à 21,6 millions en 2028 (soit une hausse de 35 %). Un moyen de limiter les quelque 700 000 tonnes de vêtements jetées chaque année par les Français, et dont les deux tiers finissent dans des décharges.

Le collage d’une semelle, normalement facturé 10,50 € chez Mister Minit (en photo), est passé à 5,50€ grâce au bonus. ©IJ

Le collage d’une semelle, normalement facturé 10,50 € chez Mister Minit (en photo), est passé à 5,50€ grâce au bonus. ©IJ

Certains textiles exclus du dispositif

Côté fonctionnement, ce coup de pouce financier va de 6 à 25 € selon la réparation. Pour le rapiéçage d’un pantalon troué par exemple, l’aide de l’État est de 7 € et la facture passe ainsi de 12 € à 5 €, sans aucune démarche à effectuer pour les clients. Ces derniers peuvent d’ailleurs bénéficier d’autant de « bonus » qu’ils souhaitent, dans la limite de 60 % du coût de la réparation. « Certains textiles sont exclus du dispositif, tempère Laura Paul. C’est le cas des sous-vêtements, du linge de lit et des vêtements en cuir… » Un regret pour la gérante de Rapid’Couture car « cela signifie que le bonus s’applique pour le changement de la fermeture éclair d’un blouson standard, mais pas d’une veste en cuir. C’est vraiment dommage car c’est exactement la même réparation. »

Pour faire partie du dispositif, les professionnels doivent être labellisés par Refashion[1], l’organisme d’État qui gère le bonus réparation textile. « Il y a pas mal de démarches à effectuer, reconnaît la gérante de Rapid’Couture. Il faut prouver que sa société est active, ne pas avoir de retard de paiement avec l’Urssaf ou les impôts, être affilié à la chambre des métiers, fournir la grille de nos tarifs et avoir trois ans d’expérience dans la couture en tant que salarié ou chef d’entreprise. Mais ça n’est pas plus mal car ça permet d’exclure du dispositif les réparateurs amateurs pas forcément compétents. »

Des obligations chronophages pour les professionnels

Une fois labellisé, chaque professionnel doit télécharger une application. Cette dernière s’appuie sur une plateforme où les artisans doivent transmettre une photo et une facture de chaque réparation. Une procédure qui leur permet d’être remboursé sous un mois par Refashion. « Toutes ces obligations liées au dispositif sont chronophages : il faut compter au minimum 2 minutes 30 par pièce pour la déclaration en ligne… Ce qui représente en moyenne une heure de travail perdu par jour. Mais ça vaut le coup quand on sait que le bonus booste notre chiffre d’affaires et fait venir des jeunes chez nous, ce qui participe au renouvellement de notre clientèle. »

 

[1] Refashion est l’éco-organisme de la filière textile d’habillement, linge de maison et chaussure. Son objectif est d’accélérer la transformation vers l’économie circulaire. C’est pourquoi il assure, pour le compte de plus de 5 000 entreprises, la prise en charge de la prévention et de la gestion de la fin de vie de leurs produits, mis sur le marché grand public.