Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Écoles de production : les entreprises viennent chercher leurs futures recrues

Produire en apprenant, tel est le principe des écoles de production qui accueillent des jeunes en difficulté d’insertion pour les mener à un diplôme. À l’Icam (Institut catholique d’arts et métiers) de Nantes, trente jeunes ont déjà été formés.

Marie-Aline Yernaux

Marie-Aline Yernaux, responsable de l’école de production de l’Icam Nantes © I. J.

Septembre 2016 : des élèves d’un genre nouveau pour une école d’ingénieurs sont accueillis sur le campus de l’Icam de Nantes, à Carquefou. Il s’agissait de la première promotion de jeunes, âgés de 15 à 18 ans, venus préparer un CAP électricité. Quelque peu décalé? « Il y a toujours eu, dans l’ADN de l’Icam, la volonté de nous adresser aux publics les plus fragiles et de nous inscrire dans une politique de mixité sociale, précise Marie-Aline Yernaux, responsable de l’école de production. L’idée est de faire prendre conscience aux élèves ingénieurs que demain, quand ils seront managers, ils seront aussi amenés à manager ces personnes. » Parmi les occasions de rencontres, des cours de soutien scolaire sont dispensés sur le temps du midi par des élèves ingénieurs. En difficulté d’insertion et/ou sociale ou simplement peu adaptés au système scolaire, les jeunes bénéficient d’une formation gratuite mais non rémunérée (ils peuvent bénéficier de bourses et d’aides diverses pendant leur scolarité en fonction de leur situation).

« Comme un sous-traitant lambda »

Admis sur entretien, sans sélection de niveau, après un stage d’immersion d’une semaine pour valider leur projet de formation, les jeunes se retrouvent immédiatement en conditions réelles de production, leur terrain d’acquisitions de compétences. L’atelier est leur lieu d’apprentissage, les commandes des clients rythment leur quotidien. « Nous fonctionnons comme un sous-traitant lambda pour nos clients, PME et grandes entreprises régionales, précise Marie-Aline Yernaux. Nous faisons essentiellement des montages/câblages d’armoires électrique, à usages domestique, tertiaire et industriel. » Les conditions tarifaires, équivalentes à celles du marché, ne sont pas la raison première de l’intérêt des clients pour la formule. Ce qu’ils viennent d’abord chercher, d’après Marie-Aline Yernaux, ce sont les futures recrues pour leur propre entreprise. «Les besoins sont très importants en main-d’œuvre dans l’industrie et les difficultés à recruter, grandes. Les entreprises viennent soignent leur marque employeur auprès des jeunes…» Elles participent de plusieurs façons : en confiant leur production, ce qui initie déjà les jeunes à leurs métiers, en accueillant des stagiaires, des apprentis une fois qu’ils sont titulaires de leur CAP, ou en détachant des salariés venant bénévolement pour donner un cours, enseigner la lecture de schémas…

Ecoles de production

Un jeune formé à l’école de production © I. J.

Présents les deux tiers de leur temps en atelier, les jeunes reçoivent également les apports théoriques dans les matières générales et technologiques liées à l’électricité, mais toujours en lien avec la production. Témoins, les paperboards présents dans l’atelier, utilisés par les «maîtres professionnels» qui les encadrent et les forment à raison d’un pour huit jeunes. « En fait, ils sont rarement assis en salle », sourit Marie-Aline Yernaux. Une coordinatrice pédagogique étant plus spécifiquement chargée de l’organisation de l’ensemble du parcours.

Un enseignement pratico-pratique

Une trentaine de jeunes ont été formés depuis la création de cette école il y a cinq ans, avec un taux de 80 % de réussite au diplôme, soit environ deux abandons par promo. Le nombre d’élèves augmente. « Les promotions étaient de huit au départ, maintenant nous sommes sur des groupes de douze en première année et douze en deuxième, précise Marie-Aline Yernaux. 100 % des diplômés poursuivent leurs études, en Brevet professionnel ou Bac professionnel, beaucoup en apprentissage. Depuis le mois de mars dernier, nous avons à la fois un pic de commandes et des offres d’emplois en hausse. À la mi-juin, nous avions déjà une visibilité sur les commandes jusqu’à la mi-octobre… »

De nouvelles écoles en projet

Doubler le nombre d’écoles de production d’ici à 2023 : telle est la volonté de l’État qui, aux côtés de la Banque des territoires, a lancé un Appel à manifestation d’intérêt (AMI) en mai pour créer 70 centres de formation accueillant 15000 nouvelles personnes aux métiers de l’industrie d’ici 2023 sur le territoire national.

La région ligérienne en compte aujourd’hui sept, majoritairement spécialisés dans les métiers industriels, mais également en paysage et restauration. Les Pays de la Loire ont plusieurs projets dans les cartons, dont une école de production axée sur les métiers de la métallurgie à Château-Gontier (53), qui devrait accueillir ses premiers élèves à la rentrée 2023. « D’autres projets devraient voir le jour, souligne Dominique Peltais, responsable régional grand Ouest de la Fédération des écoles de production. La Carene (Saint-Nazaire Agglomération) notamment, porte un projet de formation en chaudronnerie et usinage à Saint-Nazaire, qui va bientôt passer en phase d’étude de faisabilité.» En cas de sélection, l’aide de l’AMI est conséquente : jusqu’à 50 K€ pour une étude de faisabilité et un soutien à l’investissement dans la limite de 800 K€. Parmi les hypothèses pour le futur des écoles de production : permettre des poursuites d’études jusqu’au bac professionnel. Financées pour un tiers par les ventes des productions, un tiers par la taxe d’apprentissage et un tiers par la Région, les écoles de production ont donc de l’avenir…

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