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Yann Trichard de la CCI Nantes St-Nazaire : « L’état d’esprit est hyper positif »

Le président de la CCI Nantes St-Nazaire, Yann Trichard, fait un tour d’horizon des sujets d’actualité économique. Avec de nombreux éléments qui incitent selon lui à regarder l’avenir avec confiance et optimisme.

Yann Trichard CCI

Yann TRICHARD, Président de la CCI Nantes St-Nazaire © IJ

Lors de sa venue à Nantes le 27 avril, vous avez interpellé le ministre délégué aux PME, Alain Griset, sur la question de la gouvernance des Chantiers de l’Atlantique. Pouvez-vous préciser votre position ?

J’ai demandé au ministre d’essayer de faire en sorte d’apporter une clarification sur la stratégie de l’État, de manière à éviter que des gens ne travaillent pour rien en attendant. En effet, un certain nombre d’entrepreneurs, de CofiPME notamment, travaillent en ce moment pour faire une proposition d’actionnariat français qui a abouti à celle avec Jean-Claude Bourrelier refusée par l’État. Dont acte. Ce que l’on aimerait savoir, c’est si l’État souhaite rester aux manettes au moins jusqu’à l’échéance présidentielle. Aujourd’hui, il a dit clairement qu’il souhaitait trouver un partenaire industriel. C’est une question de position. Moi je pense que le savoir-faire industriel, nous l’avons. Ce dont nous avons besoin principalement, c’est d’un partenaire de développement commercial pour pouvoir continuer à renforcer notre stratégie et nos compétences. On a un vrai savoir-faire et il faut le mobiliser. Si l’État dit qu’il veut garder les Chantiers de l’Atlantique comme c’est le cas aujourd’hui, très bien. Si jamais il dit, comme aujourd’hui, chercher un industriel, c’est très bien aussi. La seule chose c’est qu’on est un certain nombre à travailler pour trouver des solutions territoriales et donc ça nous intéresserait d’avoir cette clarification de la position de l’État pour connaître l’échéance à laquelle il souhaite sortir. Sachant qu’il y a deux critères aujourd’hui qui font qu’il ne souhaite pas forcément se désengager : d’une part ce n’est pas le meilleur moment par rapport à la valorisation des Chantiers et, d’autre part, il a été indiqué clairement que l’État souhaitait garder une souveraineté. En revanche, il n’y a pas d’incertitude sur l’avenir des Chantiers de l’Atlantique. Les commandes vont bien, les gens qui font des croisières n’ont pas du tout envie d’arrêter d’en faire… Tous les indicateurs sont positifs et l’expertise très forte des Chantiers donne une visibilité sur du moyen-long terme.

 

Comment se porte l’économie du territoire à ce jour ?

En-dehors de l’aéronautique et de ses sous-traitants qui sont en attente de la reprise, d’une partie du tourisme et de l’événementiel, pour lesquels c’est difficile, les énergies renouvelables se développent beaucoup, les services et l’agroalimentaire vont bien. Les mesures de l’État et le plan de relance font que, finalement, on s’en sort plutôt bien sur notre territoire. D’ailleurs, on recommence à entendre parler de difficultés à recruter. Typiquement, les Chantiers de l’Atlantique cherchent du monde.

 

Quel est l’état d’esprit global ?

L’état d’esprit est hyper positif. On fait des tours réguliers et globalement les entreprises nous disent qu’elles s’en sortent mieux qu’elles ne le pensaient. Même si globalement il y a eu des baisses de chiffre d’affaires, il y a eu finalement des résultats sauvés grâce aux aides de l’État et on a peu ou pas de catastrophe. D’ailleurs, on le sait, le nombre de défaillances d’entreprises est inférieur de l’ordre de 60% au nombre de défaillances dans les années précédentes. Le plan de soutien de l’État a donc été globalement efficace. Il va y avoir mécaniquement un rattrapage lorsque l’Urssaf et la DGFIP vont relancer leur plan de recouvrement ; ces mises en recouvrement amenant environ 50% des redressements judiciaires. Et on est en train de travailler pour faire en sorte qu’il n’y ait pas de vague grâce à un recouvrement progressif, avec des négociations au cas par cas. Sur notre territoire, on estime entre 400 et 600 le nombre d’entreprises qui, à statistiques comparables par rapport à 2019, ne seraient plus là et qui sont maintenues. On le voit parce que de nombreuses entreprises qui font de très petits chiffres d’affaires aujourd’hui se retrouvent avec des chiffres équivalents ou légèrement meilleurs, grâce à l’indemnisation forfaitaire.

 

Et quid du climat social ? Faites- vous partie de ceux qui redoutent son durcissement ?

Les gens ont été particulièrement accompagnés par le chômage partiel, le soutien fort de l’économie a permis aux entreprises de ne pas ou peu licencier et les ménages ont épargné 100 Md€ en 2020. L’économie repart et la situation individuelle est, elle, globalement positive, ce qui ne doit évidemment pas être l’arbre qui cache la forêt : dans un certain nombre de secteurs, il y a des gens qui ont été particulièrement touchés.

Ce que l’on constate aussi, c’est l’impact psychologique et il est important. Moi je crois que les gens ont envie de retourner dans les entreprises et que le fait de se resocialiser est important.

On a besoin de se voir, d’interagir : on est des êtres sociaux avant tout.

On va avoir à discuter sur les logiques d’aménagement du travail avec le télétravail car il a été imposé structurellement de manière importante. Il va donc y avoir des discussions fondatrices avec les partenaires sociaux pour trouver les bons équilibres pour l’avenir, afin de faire en sorte qu’il n’y ait pas de discrimination négative pour les cols bleus qui, eux, ne peuvent pas télétravailler. Il ne faudrait pas que les jeunes n’aillent pas dans la production ou dans l’artisanat parce qu’on leur dirait qu’ils ne pourraient jamais télétravailler.

 

Autre sujet d’actualité : la pénurie de matières premières…

Ce qu’il faut comprendre sur l’industrie, c’est qu’avant la crise sanitaire, c’est-à-dire fin 2019, début 2020, l’activité était soutenue. On était arrivé quasiment à une période de surstocks. Du coup, la pandémie a arrêté les productions en mettant au chômage partiel les collaborateurs. Avec, pour conséquence, une baisse des stocks puisqu’il y avait quand même quelques ventes. Et au moment où on a commencé à avoir de la visibilité fin 2020, début 2021, les gens ont commencé à reprendre confiance et à relancer la production partout dans le monde et donc on a aujourd’hui une hausse des prix des matières premières. Mais tout cela est conjoncturel, exclusivement lié à la loi de l’offre et de la demande.

Les cours vont descendre progressivement sur plusieurs mois et devraient reprendre leur cours normal d’ici la fin de l’année, correspondant au moment où l’offre et la demande seront à peu près réalignés.

 

Les entreprises doivent donc prendre leur mal en patience d’ici là ?

Elles peuvent travailler sur les groupements d’achats pour peser un peu plus lourd sur les gros fournisseurs. Les groupements de commandes, c’est une solution et c’est ce que nous essayons de structurer via le Club Stratégies Achat de la CCI. Par ailleurs, nous travaillons sur le projet de création d’un indice national, calqué sur le modèle de la CCI de Milan. L’idée est de proposer un référentiel neutre, porté par une institution publique, ce qui existe aujourd’hui en Allemagne, en Italie, dans les pays nordiques, mais pas en France. On espère le sortir à la fin de l’année.

 

Avez-vous des sujets d’inquiétude ?

Man, filiale de Volkswagen, est en train de délocaliser une partie de ses savoir-faire et de sa production. Ça fait partie de ces grandes manœuvres internationales qui ont lieu en ce moment. Ils veulent faire un plan social qui concerne plus de 70 personnes. C’est le début d’une réorganisation qui n’est pas favorable et je les appelle à la responsabilité sociale, sociétale et environnementale pour que des bassins industriels comme celui de Saint-Nazaire ne s’épuisent pas.

Et puis il y a un sujet d’avenir. Tout le monde parle aujourd’hui de la nécessaire modification de la structure des énergies afin qu’elles soient plus renouvelables. Ce qui veut dire, à terme, qu’on arrête le pétrole. Aujourd’hui, la raffinerie de Donges est à l’arrêt et l’impact sur le Grand port maritime est très important. Il faut que l’on se prépare à ce qu’à 15, 20 ou 25 ans la raffinerie ferme, avec un impact économique très important sur le territoire. Il faut réfléchir dès maintenant à maintenir une compétitivité de notre port, raison pour laquelle on travaille notamment sur l’autoroute de la mer reliant Nantes Saint-Nazaire à Gijon. C’est vrai qu’on travaille depuis longtemps à trouver un nouveau modèle économique pour le Grand port, mais c’est parce que personne ne pose le sujet de la fin du carbone. Moi je le pose.

On travaille depuis longtemps à trouver un nouveau modèle économique pour le Grand port, parce que personne ne pose le sujet de la fin du carbone. Moi je le pose.

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