Couverture du journal du 26/04/2024 Le nouveau magazine

Entreprendre, un chemin de résilience ?

Devant l’adversité, certains plongent dans le renoncement ou l’inertie tandis que d’autres font le choix du mouvement et de la création. On parle alors de résilience, cette capacité à mobiliser ses talents pour recréer de la valeur. Ces trois vendéens ont vécu la maladie ou le deuil et c’est dans l’entrepreneuriat qu’ils ont repris pied pour rebondir. Rencontre !

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Marina Durand et son associé Tommy Requillard. ©DR

Les personnes résilientes ont en commun la créativité, l’empathie et la confiance en eux. Trois qualités communes à l’entrepreneur sachant qu’il faut de la résilience pour choisir cette voie. Parfois, c’est l’adversité elle-même qui précipite la décision de se lancer. L’entreprise devient alors une nécessité, un projet de vie qui donne du sens à l’épreuve. C’est le cas de Pascale Mousset, dirigeante de Managyle, un centre de formation en connaissance de soi, basé à Chanverrie.

« Je suis fille d’entrepreneurs. J’ai vu mes parents travailler sans relâche, avec des hauts et des bas au point de me promettre de ne jamais emprunter ce chemin ! Ma sœur est devenue fonctionnaire et moi j’ai testé pas mal de trucs en multipliant les études jusqu’à atteindre un niveau DESS en ressources humaines. Je suis tombée enceinte à ce moment-là. Je n’ai pas validé le diplôme mais j’ai gagné un CDI dans l’entreprise qui m’embauchait déjà en tant que stagiaire (le groupe Mousset). J’ai adoré y développer des pratiques expérimentales en ressources humaines et en management. Nous avons évolué ensemble en passant de 500 à 1 500 salariés en 15 ans ». En 2011, Pascale Mousset, alors DRH du groupe, se rend à un banal contrôle médical. « Je me souviens partir au rendez-vous avec des bagages dans le coffre, dans l’idée d’enchaîner direction le Sud-Ouest afin d’y faire un recrutement. Pas une seconde je m’imaginais rester à l’hôpital ! » Très vite, la sentence tombe : cancer du sein hormono-dépendant. « À partir de là, tout s’est enchaîné très vite. Je n’ai pas eu le temps de souffrir psychologiquement, ou alors en accéléré. J’ai d’ailleurs une expression de vie qui me caractérise assez bien : mourir ok, agonir non ! Je veux bien avoir mal mais il ne faut pas que ça dure longtemps ! J’ai été opérée en urgence, on m’a enlevé un sein, les ovaires… j’ai vraiment cru que j’allais mourir. Évidemment, je me suis effondrée, mais cela n’a pas duré. J’ai puisé dans mes tripes une force de vie et une détermination qui ne m’ont plus quittées. Je ne saurai pas l’expliquer, c’est quelque chose d’hyper instinctif qui faisait déjà partie de moi mais qui s’est imposé.

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Pascale Mousset. © Margaux Saudreau

Oser s’incarner

Au bout de six mois de traitement, j’ai enchaîné les rayons et repris le travail avec un mi-temps thérapeutique. Ma maladie n’a jamais été taboue, j’ai mis tout le monde au courant, mais je ne voulais pas que l’on me considère uniquement comme quelqu’un de malade. » Et d’ajouter : « Le cancer m’a fait prendre conscience de la préciosité de la vie. Il a fait sauter le verrou de mes peurs. Aujourd’hui, je fais des plans sur la comète comme si j’étais immortelle. Mon besoin de liberté et d’autonomie est devenu si grand que j’ai quitté le groupe en 2012 pour créer mon entreprise. Managyle a vu le jour sous le statut d’auto-entreprise il y a dix ans. Aujourd’hui, c’est une SARL de huit collaborateurs. On y multiplie les offres professionnelles autour de la formation sur-mesure en connaissance de soi, en management agile, en communication digitale… Depuis le Covid, nous développons aussi un laboratoire autour des nouveaux processus de management et d’organisation du travail. Mon expérience personnelle m’a fait comprendre que mieux se connaître est un grand révélateur pour être plus compétitif et productif. C’est le message que je veux transmettre désormais. »

La solitude du chef

C’est aussi la maladie qui a poussé Michel Lesaffre, ancien officier parachutiste, à rejoindre le civil pour y développer une entreprise de sécurité. « J’ai servi durant 29 ans dans le 3e régiment de parachutistes d’infanterie de marine. J’ai notamment été directeur de la formation de l’école de parachutistes, à Pau. Une école inter-armées dont j’avais la responsabilité des cycles de formation : 200 cadres, 800 stagiaires… Je passais ma vie à sauter en parachute entrecoupé de missions à l’étranger. De retour en France après trois ans en Guinée, une prise de sang révèle une glycémie anormale. J’avais 53 ans. On me parle d’abord de diabète de type 2, je continue à faire du sport et à faire attention à mon alimentation mais tout s’est enchaîné très vite. Je me retrouve hospitalisé du jour au lendemain et des analyses complémentaires ont précisé le diagnostic : je souffre de diabète insulino-dépendant. Une maladie chronique qui nécessite des injections d’insuline quotidiennes et une alimentation adaptée pour vivre. C’était en 2018. J’ai écrit au général qui commandait les RH pour lui demander l’autorisation de quitter l’institution. À l’été 2019, je mettais fin à la première partie de ma vie avec, pour compagnon, un sac à main rempli de seringues. » C’est en cherchant une nouvelle orientation professionnelle que Michel Lesaffre trouve une entreprise à vendre basée aux Sables d’Olonne : GPS Sécurité, 36 salariés. « Je me suis dit que commander 30 agents de sécurité ne devait pas être si compliqué et j’ai décidé de relever le défi ! J’avais bien gagné ma vie en Afrique, j’avais l’apport suffisant pour demander un crédit. Ça a été le premier combat parmi les nombreux qui m’attendraient : aucune assurance ne voulait miser sur moi ! J’ai fini par trouver une assurance dédiée aux personnes diabétiques pour obtenir mon premier crédit après m’être plié à une batterie de tests médicaux. »

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Michel Lesaffre. © D. R.

Début 2020, le néo-entrepreneur met à profit son expérience dans la formation pour créer un centre adossé à la structure : GPS Formation. Viens alors le deuxième combat : le Covid met à l’arrêt le démarrage de son activité. Il en profite pour passer les agréments et obtenir la certification Qualiopi. Depuis 2021, GPS Formation fait de la sensibilisation au secourisme en entreprise et forme les collaborateurs à la manipulation d’extincteurs et aux installations électriques. « Nous formons aussi les demandeurs d’emploi au métier d’agent de sécurité incendie, que l’on recrute à 80 % dans la foulée tant la croissance est rapide ! » La filiale de trois salariés vise un CA 2022 de plus de 100 k€. « GPS Sécurité, quant à elle, poursuit son bonhomme de chemin, s’enthousiasme le dirigeant. Nous sommes passés de 36 à 58 salariés en trois ans et devrions boucler un CA de plus de 2 M€ cette année. » Et de conclure : « j’ai vécu aux quatre coins du monde, j’ai connu la solitude du chef, dans l’armée puis dans le civil, et maintenant à travers la maladie. Abattre des murs de contraintes est devenu mon quotidien. Cela m’a permis de développer encore plus d’adaptabilité et une certaine forme d’humilité. Avec ma retraite de colonel j’aurai pu rester chez moi mais j’ai fait le choix de l’entrepreneuriat car je suis un combattant. Cela fait partie de mon ADN, j’ai juste emprunté une autre voie pour l’exprimer. »

Quand entreprendre devient une mission

Pour Marina Durand, entreprendre a été le tuteur sur lequel elle s’est appuyée pour surmonter le décès de son mari. « Retrouver l’étincelle de vie au milieu des vivants est un combat que j’ai mené ces dernières années. Poursuivre une idée, m’a permis d’avancer pas à pas sur le chemin du deuil, explique-t-elle. L’entreprise faisait déjà partie de ma vie puisque nous avions un hôtel-restaurant, mon mari et moi. Un accident de la route lui a imposé une vie à l’hôpital pendant deux ans, ponctuée de rééducation et d’opérations. Nous avions alors décidé de vendre notre affaire et j’ai commencé une formation d’hydrothérapeute, avec l’idée de prendre la gérance d’un spa. J’avais trouvé un lieu magnifique dans le Sud, près de Montpellier, et signé le compromis de vente pour démarrer une nouvelle vie. Pendant sa convalescence, mon mari me parlait des séances de méditation qu’il suivait. Il visualisait un jardin pour atténuer ses douleurs. J’ai gardé l’idée en tête. Il est décédé d’un infarctus peu de temps après et c’est tout un pan de notre vie qui s’est effondré. Je suis finalement restée en Vendée, concentrée toute entière sur la perte de mon mari et sur la façon dont j’allais pouvoir honorer sa mémoire. C’est là que l’idée du jardin m’est revenue. Je me suis lancée corps et âme dans la création de My Garden, des jardins funéraires personnalisables, écologiques et économiques. Les monuments sont constitués de modules en compost de bois et équipés d’une réserve d’eau en inox qui récupère l’eau de pluie afin d’alimenter les fleurs de façon durable et naturelle. Avec ce système d’arrosage automatique breveté, plus besoin de fleurir la tombe toutes les semaines. De quoi déculpabiliser les familles quand elles ne peuvent pas se rendre au cimetière régulièrement. » Rejointe par un associé, Marina a commercialisé plus de 200 monuments depuis la création de My Garden en 2017. « Il fallait que j’aille au bout de cette idée, explique l’entrepreneure, c’était devenu une vocation. Rien ne pouvait m’arrêter, même pas les doutes de mes proches. » Elle nuance : « Devoir pitcher mon projet et me mettre en avant alors que je ressentais une énorme tristesse au fond de moi était difficile mais, chaque fois que je racontais mon histoire, je recevais du soutien et des encouragements qui me donnaient de l’énergie pour continuer. My Garden m’a appris tellement de choses ! Rien ne me fait plus plaisir que lorsque je reçois le retour des familles qui sont devenues, pour certaines, des amis. On se voit, on mange ensemble, c’est assez exceptionnel ! Si je devais donner un conseil, ce serait celui-ci : faire ce que l’on ressent, s’écouter et nourrir la confiance en soi et en son projet reste le meilleur moyen de retrouver la lumière au-delà de la fatalité ! »

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