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Régulation des dark stores : « le sentiment d’avoir été entendus »

Le 6 septembre à Paris, le gouvernement tenait une réunion avec des élus locaux concernant la multiplication des dark stores et dark kitchens pour envisager leur régulation. Ces entrepôts et cuisines sans client utilisées par des entreprises de livraison sont en effet dans le viseur de plusieurs grandes villes. Dont Nantes. Le point avec Gildas Salaün, adjoint à la maire de Nantes délégué au commerce.

L'unique dark store nantais est situé rue des Olivettes. Il génère des nuisances dont se plaignent régulièrement les riverains.

L’unique dark store nantais est situé rue des Olivettes. Il génère des nuisances dont se plaignent régulièrement les riverains.

DANS QUEL CADRE AVEZ-VOUS PARTICIPÉ À LA RÉUNION DU GOUVERNEMENT, QUI PRÉPARE UN TEXTE VISANT À RÉGLEMENTER L’IMPLANTATION DE CES SOCIÉTÉS D’UN NOUVEAU GENRE ?

J’y étais à la fois au titre de la Ville de Nantes en tant qu’adjoint au commerce mais également comme représentant de France Urbaine, l’association des élus des métropoles de France.

 

QUEL ÉTAT DES LIEUX DRESSEZ-VOUS À NANTES ?

C’est tout sauf le bazar puisqu’il n’y a qu’un seul dark store à l’heure actuelle. Il est situé rue des Olivettes. À titre de comparaison, Lille et Bordeaux en comptent six, Marseille dix et Paris 115. Pour autant, le seul qui existe à Nantes depuis le printemps dernier a d’emblée créé des difficultés avec le voisinage, à commencer par les nuisances sonores des livreurs à scooter. C’est particulièrement le cas le soir, la nuit, mais également le week-end.

 

QUELLES AUTRES NUISANCES SONT DÉNONCÉES PAR LES RIVERAINS À NANTES ?

La gestion de l’espace public pose problème car les livreurs passent des heures à attendre leur prochaine commande sur le trottoir. On constate également des conduites accidentogènes car ils sont contraints de livrer dans des délais extrêmement réduits (10 minutes chez Flink, la plateforme présente à Nantes, NDLR). Et n’hésitent pas à prendre des risques, pour eux comme pour les riverains.

Les camions qui viennent alimenter les dark stores sont également pointés du doigt. Lors de la livraison, ils stationnent sur la chaussée et bloquent du même coup la circulation car la rue des Olivettes est en sens unique. Aujourd’hui, on a clairement affaire à un établissement qui considère que le trottoir, c’est-à-dire l’espace public, est devenu sa base logistique. C’est non seulement contraire à l’usage mais également à la réglementation.

Le dernier point concerne l’empreinte environnementale considérable d’une telle activité (modes de livraison, multiplication des emballages, déchets sur la voie publique) et un coût social important puisque les livreurs sont clairement les victimes de ces plateformes (conditions de travail et précarisation).

 

POURQUOI EST-IL URGENT SELON LA MUNICIPALITÉ NANTAISE DE RÉGULER CE MARCHÉ ?

D’abord pour la relation au voisinage et pour une meilleure insertion des dark stores dans leur environnement. Ensuite, car ce modèle de commerce ne correspond pas du tout à celui auquel nous aspirons à Nantes, ni à la forme de la ville que nous voulons créer. Nous sommes au contraire très attachés aux commerces comme lieux de rencontre, d’accueil, d’échange et de conseils, ainsi qu’à la notion de proximité. Le modèle des dark stores incarne tout l’inverse. Il porte non seulement atteinte à la forme de la ville que l’on souhaite développer autour de la proximité et de la convivialité, mais aussi à la stratégie commerciale que nous mettons en place. Car quand un dark store s’installe au milieu d’un linéaire commercial, il prend forcément la place d’une boutique. Cela supprime du flux de clientèle et impacte aussi directement les autres commerces du quartier.

 

QUELLE DÉCISION A ÉTÉ PRISE À L’ISSUE DE CETTE RÉUNION ?

Le gouvernement a tranché: en termes de sous-destination, les dark stores ne sont plus considérés comme commerces mais comme des entrepôts, qu’il y ait ou pas un point de retrait. La deuxième décision prise par le gouvernement a été de créer une classe spécifique pour les dark kitchens, dont le texte reste à définir dans les jours à venir.

Je suis très satisfait de ces décisions, qui se traduiront dans les prochaines semaines par la prise d’un arrêté ministériel. Tous les participants, qui avaient individuellement dressé les mêmes constats dans chacune des villes représentées, ont donc le sentiment d’avoir été entendus. Ils ont d’ailleurs demandé au gouvernement de pouvoir se revoir pour travailler collectivement à la place des commerces dans la ville de demain, mais aussi à la place des commerces de demain dans la ville. Une demande à laquelle les deux animateurs de la réunion, Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, et Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, ont répondu favorablement.

 

QUELLES CONSÉQUENCES CETTE RÉGLEMENTATION VA-T-ELLE ENGENDRER POUR LES DARK STORES ?

En devenant des entrepôts, et non plus des commerces, ces lieux pourront être contraints de fermer si le Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune où le dark store est implanté interdit ce type d’activité. À l’inverse, si un entrepôt est implanté dans un commerce qui n’a pas subi de changement de destination, il se trouvera alors dans l’illégalité et sera également susceptible d’être fermé. Pour cela, chacune des villes concernées va devoir mettre à jour son PLU.

 

ET SUR LE MARCHÉ NANTAIS ?

Pour le cas nantais, cette réglementation va avant tout permettre de clarifier et de réguler les éventuelles installations futures. Pour ouvrir, chaque entrepôt devra par exemple disposer d’un quai de déchargement et d’un lieu de livraison et stationnement situés hors de l’espace public. Cette réglementation met donc également fin au flou juridique qui régnait dans le secteur et va d’autre part imposer au dark store de la rue des Olivettes de changer de destination car l’entrepôt est situé dans une ancienne imprimerie.

Lors de la réunion, nous avons enfin demandé au gouvernement de renforcer les pouvoirs de police des maires pour nous donner les moyens de contraindre les établissements déjà installés à respecter leur voisinage et à s’acquitter d’une redevance pour l’occupation de l’espace public, à l’image de celle qui existe pour les terrasses des restaurants.

Gildas Salaün, Nantes

Gildas Salaün, adjoint à la maire de Nantes délégué au commerce © DR

 

DARK STORES? DARK KITCHENS?

Derrière ces termes se cachent des magasins ou cuisines fantômes utilisées par les entreprises de livraison. Ils n’ont ni enseigne ni vitrine, n’accueillent aucun client, et font livrer leurs produits en un temps record (moins de 10 ou 15 minutes selon les sociétés). Leur modèle économique repose uniquement sur les commandes en ligne. Ces enseignes d’un nouveau genre sont en général mal accueillies par les riverains qui dénoncent des nuisances liées au ballet incessant de livreurs à scooter.

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