Vous sortez quasi simultanément un ouvrage qui traite d’un même sujet. Sans avoir exactement la même vision, certaines de vos prises de position se répondent…
Sandrine Roudaut : On converge, mais avec des arguments très différents. Moi je suis plus sur les fonctionnements cognitifs, l’émotion et l’utopie quand Yannick travaille davantage sur la vision économique, géopolitique.
Yannick Roudaut : Je parle plus à la raison, je démontre que, raisonnablement, les gens ont intérêt à changer quand Sandrine parle plus au cœur, emmène vers le monde de demain. J’ai décidé d’écrire cet essai parce que ma fille, qui avait alors 15 ans, m’a dit : « En 2040, on est tous morts ».
Avant l’arrivée de la pandémie, j’avais déjà pas mal écrit sur ce qu’est un effondrement. Je voulais m’adresser aux plus jeunes, en leur expliquant que, malgré le contexte, l’effondrement n’était pas assuré, qu’il y avait de nombreuses raisons d’être optimistes parce que l’improbable allait surgir… Et il a surgit ! C’était inimaginable que l’économie mondiale puisse s’arrêter ! Et ça redonne de l’espoir par rapport à un scénario écologique très sombre, avec un réchauffement climatique annoncé de + 4°C, + 5°C… Sauf si on s’arrête pour repartir dans une autre direction.
Jusqu’ici, vous, Sandrine, vous écriviez des essais. Pourquoi un roman cette fois-ci ?
SR : J’ai commencé à écrire ce roman avant la pandémie. J’avais envie de passer à la fiction parce que je pense qu’on manque de projections. Ce qui est génial avec une fiction, c’est qu’on n’a pas à être d’accord ou pas d’accord. Il n’y a pas un auteur qui essaie de convaincre, il y a juste des personnages qui traversent des choses. Et on traverse aussi ses peurs de manière plus douce. On n’a pas de barrières, on peut tout être et c’est comme ça qu’on se transforme. Sauf qu’aujourd’hui, dans les livres, les films, on ne voit que des visions apocalyptiques de l’avenir. Et on ne montre pas non plus qu’on a une prise sur cet avenir. On décrit toujours des citoyens résignés et on pense que l’avenir ce sera le high-tech généralisé. Or, évidemment, si on ne montre que ça, on n’imagine pas pouvoir vivre dans un autre monde ! Certes le monde tel qu’il va se construire va être frugal, mais il peut aussi ne pas être aussi terrible si on arrive à bifurquer à certains endroits. Mon idée de départ était donc de donner à voir un autre possible. Et ça, aujourd’hui, c’est entendable.
Qu’est-ce qui a changé ?
SR : Le confinement est venu valider cette autre voie, plein de gens témoignant que, finalement, ce n’était pas si terrible que ça, au contraire ! Ce temps suspendu nous a permis de faire un pas de côté. De se dire que le bonheur ce n’est peut-être pas la consommation tout le temps de tout ce qu’on veut. On s’est rapprochés des producteurs locaux et on a commencé à reconsidérer des choses. Ce que les gens disaient surtout c’est qu’ils avaient envie de voir leurs amis, leur famille…
YR : Beaucoup de dirigeants avec qui j’ai échangé pendant ou après le confinement ont fait le même constat : ils avaient le temps de regarder leur jardin, d’entendre les oiseaux, de s’écouter en famille. Ça a été un choc violent pour certains : beaucoup se sont rendus compte qu’ils passaient à côté de l’essentiel, au point de vouloir vendre leur boîte ! C’est intéressant parce que, même s’ils peuvent à nouveau être happés par le quotidien, il y a une plaie qui s…