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Recrutement : des inquiétudes, mais pas de pessimisme

Si les acteurs du recrutement tendent le dos en attendant la rentrée et les conséquences d’une crise économique annoncée, ils ne veulent pas céder à la sinistrose.

À la fin du mois de mai dernier, les premiers chiffres de l’Insee tombent, créant un début de vent de panique. Pour la région si fière, avant la crise sanitaire, d’afficher un taux de chômage qui la plaçait au coude à coude* avec la Bretagne, le coup est rude. Avec +32% de chômeurs en avril 2020 par rapport au mois de mars de la même année, soit +57 570 demandeurs d’emploi en catégorie A, sans aucune activité (+ 34% en Loire Atlantique et +40% en Vendée), la région encaisse une augmentation plus élevée de 6% que celle de la moyenne nationale. Explication : l’arrêt ou la diminution très forte de la production industrielle, notamment aéronautique, qui y est très représentée.  Premiers touchés : les salariés en contrats « précaires », intérim ou CDD, qui ne sont pas renouvelés sur leur poste. Nombre d’entre eux ont ainsi glissé pendant la crise sanitaire, de la catégorie B ou C (inscrits à Pôle Emploi mais ayant une activité) à la catégorie A.  

Avec la reprise progressive de l’activité, en mai, le nombre de chômeurs de catégorie A a déjà amorcé une décrue de 5,3% dans la région. Cependant, les indicateurs ne sont évidemment pas au beau fixe, et les licenciements annoncés par Airbus ou Hop!, par exemple, dans le département, font craindre d’autres annonces qui pourraient avoir des conséquences importantes sur l’emploi dans les mois à venir. Quelles seront-
elles précisément ? Difficile à dire. 

UNE SITUATION INÉGALE D’UN SECTEUR À L’AUTRE 

Côté Pôle emploi, « il est impossible aujourd’hui d’évaluer précisément l’effet Covid-19 sur le taux de chômage régional, explique Vincent Ragot, responsable du service Statistiques, études et évaluations de l’antenne régionale. Nous produisons des chiffres trimestriels et non mensuels, qui concernent donc la période de janvier à mars, et le confinement est intervenu le 17 mars… On peut cependant constater que le nombre d’embauches et d’offres d’emploi a décru fortement depuis le début du confinement. La reprise d’activité a, c’est vrai, provoqué à nouveau des recrutements en juin en Loire-Atlantique, mais de 50% inférieurs à ceux de juin 2019 » (voir le tableau).

Sur le terrain, les acteurs du recrutement, tout en ne cachant pas leurs inquiétudes concernant la rentrée de septembre, ne souhaitent pas ajouter leur voix au catastrophisme ambiant. La réalité, aujourd’hui, n’est pas monolithique, notamment selon Florent Letourneur, dirigeant du cabinet de recrutement nantais Happy to meet you : « Il n’y a pas de vérité absolue sur ce sujet et on ne peut pas dire que tout va mal, on ne doit pas penser que c’est la fin du monde… Je suis prudent, mais pas si pessimiste. »  Pour lui, il y a une forte différence entre « les très grandes entreprises de certains secteurs, comme Renault, Air France ou Airbus, qui annoncent des plans sociaux, et des PME et ETI qui pour beaucoup souffrent, c’est vrai, mais ne licencient pas ou peu pour le moment. » Passer d’une situation « pénurique » sur le marché de l’emploi concernant certains profils, jusqu’en mars 2020, avec des perspectives de croissance importante, à une crise économique mondiale en deux mois ne provoquerait pas des licenciements massifs dans les petites et moyennes entreprises.  « Se séparer de collaborateurs qu’on a mis du temps à trouver, à former… et savoir que si l’économie repart en 2021, on se sera privé de ces personnes n’est pas le choix de la plupart d’entre elles », poursuit-il.  

L’INTÉRIM, UNE SOLUTION POUR LA REPRISE ? 

Garder, donc, mais embaucher ? L’attentisme prédomine. 
« Il n’y a pas beaucoup d’entreprises qui recrutent, constate ainsi Gilles Lecointre, directeur du cabinet de recrutement Recrudidakt à Bouguenais, spécialisé dans les candidats aux profils atypiques et les autodidactes. On les sent frileuses à investir dans des CDI, elles ont tendance à conserver leur trésorerie, même quand elles savent qu’elles auraient 
besoin d’embaucher pour se développer. » 

Concernant l’intérim, le tableau serait plus contrasté, selon Pierre de Surville, dirigeant de l’agence Temporis Nantes ouest, à Orvault. « Notre activité d’agence de recrutement a été quasiment réduite à zéro pendant le confinement et l’activité d’agence d’intérim a baissé de 50% environ, constate-t-il. Pendant la crise sanitaire, on n’en a sans doute pas assez parlé, mais les intérimaires ont accepté d’aller au feu, pour pallier les absences de salariés dues au Covid-19 ou à la suspicion de maladie, et de ceux qui devaient rester à la maison pour garder leurs enfants. » Depuis la sortie du confinement, ce professionnel voit un rebond important de son activité d’intérim, qui « dépasse les chiffres de l’avant Covid-19 », explique-t-il. Son analyse ? Remettre en route les entreprises après le confinement a nécessité de « sur-staffer les équipes, un peu dans la précipitation même, parfois. » Résultat : son activité a connu une hausse de 15% dans l’industrie, et de 30 à 40% dans le BTP, « mais la demande a baissé dans l’activité tertiaire », constate-t-il. Des signes positifs, sans doute, mais ponctuels, qui ne préfigurent pas d’une rentrée sereine pour tous… exception faite d’activités liées à l’alimentaire ou en phase avec la transition énergétique.  

DES SECTEURS EN FORME…

Ainsi de Saunier Duval à Nantes, qui s’est retrouvée inondée de candidatures quand elle a commencé sa campagne de recrutement en mai dernier pour embaucher 155 salariés, dont 140 opérateurs : « Nous n’avons pas eu de difficultés pour les recruter, car nous avons été débordés par les candidats, dont beaucoup du secteur aéronautique, qui étaient inquiets de l’avenir de leurs entreprises », témoigne Eric Yvain, directeur du site.  

Autre secteur qui reste très actif sur le plan du recrutement : le digital. « Ce ne sera pas le premier secteur touché, estime Vincent Ragot. Déjà parce que, pendant le confinement, il a gardé toute sa place avec le développement du télétravail, et qu’il y a toujours une forte demande d’informaticiens et développeurs dans la métropole. Par contre, il est probable que les critères de recrutement soient encore beaucoup plus axés sur les niveaux de formation, avec un minimum de Bac+2. » Les premières victimes de la crise, et ce pour bien des secteurs, risquent bien d’être les moins qualifiés… 

*Au premier trimestre 2020, le taux de chômage régional s’élevait à 6,7%, contre 6,5% pour la Bretagne. 

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