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« La robotique : un enjeu humain et financier plus que technologique »

Proxinnov, plateforme de robotique industrielle implantée à La Roche-sur-Yon, vient de fêter ses dix ans. L’occasion pour Jade Le Maître, sa directrice générale, de dresser un bilan de la décennie écoulée, mais aussi d’expliquer les défis à venir de la robotique et comment elle peut être un levier de la réindustrialisation de la France.

Proxinnov, robotique, Vendée, Jade Le Maître

Jade Le Maître, directrice générale de Proxinnov. ©Proxinnov

Comme est née Proxinnov et avec quels objectifs ?

Proxinnov est née en 2013 sous l’impulsion d’industriels vendéens pour aider les entreprises à se robotiser. C’était l’époque du plan “Robot Start PME“, impulsé par Arnaud Montebourg, dont la vocation était d’aider les industriels à acheter leur premier robot. Ce plan a été globalement sous-utilisé car avoir un robot sans être accompagné, c’est compliqué. Fort de ce constat, les industriels vendéens ont sollicité La Roche-sur-Yon agglomération et la Région Pays de la Loire pour créer une structure dédiée à la robotisation qui soit bénéfique à l’ensemble de l’écosystème. Pour être encore plus précise, Proxinnov est la transformation de l’association Parri 85, fondée en 2003. Cette plateforme portait des sujets d’innovation globaux mais n’était pas spécifiquement centrée sur la robotisation.

Au début, l’objectif de Proxinnov était essentiellement de faciliter la rencontre entre industriels, intégrateurs et fournisseurs de solutions robotiques afin de faire naître des collaborations. Progressivement, ce rôle a évolué. Proxinnov est désormais un tiers de confiance neutre qui accompagne les entreprises vers une robotisation sereine et efficace en les aidant à comprendre les enjeux de la robotisation, à monter en compétences ou encore à identifier les process qui pourraient être robotisés. En 2022, cette capacité à lever des verrous technologiques et humains a été saluée par le label “Centre de ressources technologiques“, délivré par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

Quel bilan dressez-vous de cette décennie ?

Un bilan extrêmement positif. En dix ans, nous avons accompagné 176 projets de robotisation dont plus de 100 en Pays de la Loire. Actuellement, le réseau Proxinnov regroupe 206 entreprises sur le territoire national. Ce sont des entreprises de toutes tailles, même s’il s’agit principalement de TPE-PME. Cela représente 90 000 emplois sur la filière industrielle et robotique. Parmi ces entreprises, 115 se trouvent en Pays de Loire dont 51 en Vendée.

La vocation de Proxinnov dépasse donc l’échelle régionale ?

Oui, nous avons une vocation nationale. Même si nous avons un fort ancrage dans le grand Ouest, nous accompagnons de manière assez fréquente des entreprises industrielles basées en dehors des Pays de la Loire, principalement dans les régions Centre-Val de Loire, Nouvelle Aquitaine et Auvergne. Nous sommes ainsi en lien avec d’autres centres de ressources technologiques, ligériens comme We Network (transformation digitale, NDLR) à Angers, Clarté[1] à Laval le Cetim[2] à Nantes ou encore l’Institut de soudure à Saint-Nazaire. Mais il nous arrive aussi de travailler avec l’Institut Maupertuis à Rennes ou d’autres plateformes d’innovation technologique situées à Dijon ou Lyon.

Quels sont aujourd’hui les grands enjeux pour la robotique industrielle ?

Ce sont des enjeux plus humains et financiers que technologiques. Globalement, la robotique industrielle est mature et nous disposons d’un large éventail de technologies pour l’intégrer dans les entreprises et améliorer leur performance, qu’elle soit productive, ergonomique ou RH pour maintenir des emplois. Parallèlement, nous travaillons beaucoup sur des sujets qui touchent à la réindustrialisation, donc à des productions qui veulent être rapatriées en France. Or, pour être économiquement viable, il faut passer par la robotisation. Ce qui implique de changer des procédés de fabrication ou, parfois, de modifier une partie du produit pour que ce soit compatible.

Ce sont des enjeux plus larges que celui de la “simple“ robotisation. Nous accompagnons ainsi des entreprises sur des enjeux d’ergonomie et de bien-être au travail afin qu’elles puissent être compétitives sur le marché de l’emploi. Nous intervenons aussi sur des enjeux de transfert de connaissances. Par exemple, lorsqu’un salarié hautement expérimenté sur certains process, comme la peinture ou le soudage, part à la retraite, l’enjeu va être de préserver son savoir-faire avec son départ.

Proxinnov, robotique, Vendée, usine pilote

L’usine pilote de Proxinnov, lieu d’expérimentation, s’est agrandie de 1 000 m². © Proxinnov

Pourquoi et comment le projet “Ambition 2025“ doit-il vous permettre de mieux répondre aux besoins des industriels et les aider à relever ces défis ?

La mission qui m’a été confiée lorsque j’ai été recrutée en mars 2022 comme directrice générale était de faire rayonner Proxinnov au niveau national et de mieux accompagner les industriels en élargissant notre offre afin de devenir un acteur incontournable en France. Ainsi est né le projet “Ambition 2025“. Moins d’un an après son lancement, cette initiative porte déjà ses fruits puisque nous avons plus de 40 nouvelles entreprises qui nous ont rejoint entre mai 2022 et mars 2023.

L’un des axes stratégiques de ce plan est de faire monter en compétences nos adhérents sur des sujets porteurs comme les technologies 4.0, l’IA, la 5G, les data, ou la RSE. D’où le lancement de nouvelles formations techniques et de trois clubs thématiques (Industrie 4.0, Recrutements et formation, et Achats). Nous avons ainsi eu récemment une séance sur la cybersécurité avec des simulations de gestion de crise. En juin prochain, nous allons nous retrouver pour échanger autour de l’acceptation du changement lors de la mise en place d’une stratégie 4.0 dans une entreprise industrielle.

Concernant le sujet de la RSE, nous sommes en train de travailler sur la création d’une chaire industrielle régionale consacrée à l’efficacité énergétique de l’intégration robotique, avec des partenaires académiques phares comme le Laboratoire des sciences du numérique de Nantes et l’Ireena, l’Institut de Recherche en Energie Electrique de Nantes Atlantique, qui a un laboratoire à Saint-Nazaire, ainsi que des industriels de notre réseau. Nous espérons pouvoir vous en dire plus fin septembre[3] lors de notre événement sur la transition énergétique dans l’industrie.

Où en êtes-vous plus précisément dans la mise en œuvre de vos clubs thématiques ? 

Au sein du club “Industrie 4.0“, co-piloté avec le groupe Atlantic, nous sommes en train de construire un observatoire de la maturité des industries ligériennes sur ces technologies. Cet outil nous permettra de voir où nous en sommes concrètement et de mesurer l’évolution de cette maturité. Du côté du club “Emploi et formation“, nous avons défini deux groupes de travail. Le premier se penche sur l’attractivité des métiers de l’industrie en intervenant dans les collèges et lycées. Le second s’attèle à recenser les formations industrielles disponibles localement, notamment en Vendée, territoire où il y a le plus de tensions sur l’emploi.

Objectifs ? Permettre aux recruteurs d’avoir une vue d’ensemble et donc une meilleure connaissance de leurs sources de recrutement, et outiller les conseillers d’orientation pour les aider à diriger des élèves vers des formations industrielles, notamment vers la robotique où le taux d’emploi avoisine les 100 %.

Votre assemblée générale se tient le 25 mai. Quel bilan dressez-vous de l’année 2022 ?

2022 a été marquée par beaucoup d’hésitations en matière de projets de robotisation en raison des différentes crises (géopolitique, énergie, inflation). Depuis quelques mois, nous sentons qu’il y a une relance de l’économie au niveau de l’industrie et une envie d’avancer vite sur des problématiques de recrutement, de qualité ou d’énergie ou encore de réindustrialisation. L’année 2023 s’annonce donc pleine de belles promesses.

[1] Conseil et innovation en réalité virtuelle et augmentée.

[2] Centre technique des industries mécaniques.

[3] Le 26 septembre à Proxinnov, à La Roche-sur-Yon.

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