Qui est à l’origine de l’idée permettant de créer Lisaqua ?
Charlotte Schoelinck : C’est moi. Je suis docteure en biologie marine. Durant ma thèse sur les poissons du Pacifique, j’ai constaté la surpêche. Ensuite, j’ai été faire un post-doctorat au Canada et j’ai découvert l’aquaculture en visitant des exploitations conventionnelles de saumons et d’esturgeons. J’y ai observé un usage très important d’antibiotiques et une absence de filtration des rejets des poissons, ce qui a un impact polluant sur l’environnement à peu près équivalent aux algues vertes en Bretagne. J’ai également découvert là-bas un nouveau type d’aquaculture : en pleine mer, on va combiner une cage de saumons, des moules, des concombres de mer, des macroalgues. Ces organismes vont récupérer les rejets de la production de saumons. En revanche, comme on est en pleine mer, il y a toujours un usage important d’antibiotiques. L’idée a été de transposer ce système à terre pour ne plus avoir d’antibiotiques du tout et c’est ce que l’on fait ici. On élève des gambas et on valorise leurs rejets par des bactéries ou par d’autres invertébrés marins que l’on utilise pour l’alimentation animale.
Comment êtes-vous devenu un trio ?
CS : Je connaissais déjà Gabriel. Pendant que je faisais ma thèse, lui se trouvait dans une start-up.
Caroline Madoc : De mon côté, je suis ingénieure des Mines et j’ai travaillé quelques années dans l’industrie. Mon conjoint travaillait avec Gabriel. J’ai entendu parler de l’idée de Charlotte à un moment où j’étais à la recherche d’une nouvelle aventure qui aurait du sens et correspondrait à mes valeurs environnementales. J’ai embarqué dans le projet mi-2017.
CS : Début 2018 on a créé la société et on est allés chercher nos premières crevettes en Belgique pour les mettre… dans le salon de Caroline.
CM : Cet aquarium de 40 litres a été notre tout premier bassin pilote. Depuis, on a fait un certain nombre de changements d’échelle, étape par étape. La philosophie était de faire les erreurs en étant petits avant de se jeter dans le grand bain.
CS : On a vraiment eu un fonctionnement de start-up. Au début on a peu investi. Notre capital social nous a servi à acheter une ou deux piscines de jardin, puis un peu plus gros et ainsi de suite. On a été sur trois endroits différents avant d’arriver ici en janvier dernier.
Quelles sont les difficultés que l’on peut rencontrer dans un projet comme le vôtre ?
CS : Sur l’aspect technique, il n’y a pas un mais plusieurs élevages en même temps, ce qui augmente le challenge. L’autre particularité, c’est que l’eau d’élevage est assez chargée en particules : il faut qu’elle soit particulièrement aérée et agitée afin de maintenir des conditions d’élevage satisfaisantes, pour les gambas et pour le milieu d’élevage lui-même. On a travaillé sur les formes de bassins, les dispositifs d’agitation, les profondeurs à utiliser pour que les crevettes utilisent au maximum le volume de bassin…
Gabriel Boneu : On a aussi eu un challenge lié aux locaux. Le fait d’avoir démarré et d’avoir agrandi les bassins petit à petit nécessitait de trouver des sites qui accueillent notre installation de manière suffisamment pérenne pour pouvoir investir dans nos installations. On a également eu un défi lié à l’approvisionnement de larves de crevettes, en particulier en période Covid. Aujourd’hui, on met en place une écloserie afin de produire nos propres larves, mais pendant quatre ans on les a importées, soit de pays européens, soit de Floride. On a connu des circuits logistiques ralentis, voire complètement coupés… Ça a accéléré la décision, d’autant que, même si ces larves étaient disponibles, elles arrivaient stressées par le transport. Avec notre propre écloserie, on a un approvisionnement fiable dans la régularité et dans la qualité.

© Lisaqua
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