Le gouvernement a présenté, le 16 septembre 2021, le Plan Indépendants, destiné à améliorer les conditions d’exercices de l’activité indépendante en France. Les réformes annoncées seront portées par trois lois distinctes, toutes à l’état de projet à ce jour : la Loi de finances pour 2022, la Loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et la Loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
Alors que les deux premières seront promulguées au plus tard le 31 décembre 2021, la dernière devrait être finalisée en début d’année 2022. La procédure accélérée a été engagée le 29 septembre 2021 et le projet a été adopté par le Sénat le 26 octobre 2021, en première lecture ; l’Assemblée nationale examinera vraisemblablement le texte en janvier 2022.
Le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante, qui mettra fin à la création de nouvelles entreprises individuelles à responsabilité limitée (EIRL) et modifiera le régime par défaut de l’entreprise individuelle (EI), s’articule autour de deux chapitres principaux, représentant les deux objectifs de la réforme : simplifier davantage et mieux protéger. Mais est-ce réellement le cas ?
L’IMPRESSION DE SIMPLIFICATION N’EST PAS LA SIMPLIFICATION
Certes, la fin de l’EIRL peut sembler une évolution qui simplifiera le choix du mode d’exercice de l’entrepreneur individuel. Mais le maintien des EIRL existantes conduira à une coexistence de régimes différents qu’il faudra distinguer et à la nécessité pour les professionnels accompagnant les entreprises d’effectuer la « maintenance juridique» de cette relative nouveauté (en vigueur depuis 2011), jusqu’à la cessation d’activité du dernier entrepreneur ayant opté pour cette particularité (En 2070 ? 2080 ?).
Sauf si, d’ici là, une réforme plus « courageuse» voyait le jour, pour y mettre un terme définitif. Qui vivra verra.
D’autre part, la pérennisation de la non-unicité du patrimoine de l’entrepreneur individuel, qui devient désormais la norme (sauf pour le fisc, ce tiers pas comme les autres), ne va pas réellement dans le sens d’une plus grande simplicité du droit. Au contraire, cette évolution rompt avec le principe de droit civil bi-séculaire de son unicité (qui n’est néanmoins pas reconnu comme un principe supérieur s’imposant au législateur par le Conseil d’État) et demandera aux praticiens de trouver des réponses innovantes aux problèmes qui ne manqueront pas de se poser. Intéressant, oui, simple, non.
Dernier point, la suppression de la déclaration d’affectation de patrimoine. Il faudrait être de mauvaise foi pour soutenir qu’un formulaire en moins n’est pas une évolution positive en matière de formalisme. Néanmoins, cette déclaration, accompagnée de l’état descriptif des biens affectés à l’exercice de l’activité professionnelle, avait un double mérite : elle était simple à compléter et permettait aux tiers de connaître immédiatement l’étendue du patrimoine professionnel.
ENTRE PROTECTION DU DÉBITEUR ET EXPOSITION AU RISQUE DU CRÉANCIER
La fin de l’EIRL telle que nous la connaissons s’accompagnera d’une refonte du régime de l’entreprise individuelle, avec une protection « par défaut » de l’entrepreneur fortement accrue.
Mais si cette protection sera nécessairement améliorée par rapport à celle fournie par l’ancien régime de l’EI, elle ne le sera pas par rapport à celui de l’EIRL, auquel le mécanisme du patrimoine professionnel d’affectation est pourtant emprunté. En effet, le projet de loi prévoit expressément trois brèches à la protection de l’entrepreneur individuel qu’elle crée.
La première brèche se comprend aisément et il aurait été surprenant qu’elle ne soit pas prévue : la protection fournie par le nouveau régime est inopposable à l’administration fiscale, et dans certains cas aux organismes de sécurité sociale. Ces derniers pourront poursuivre le recouvrement de leurs créances sur la totalité du patrimoine de l’entrepreneur individuel.
La deuxième brèche, ponctuelle, est la possibilité pour l’entrepreneur individuel de consentir, en garantie du paiement d’une dette professionnelle, une sûreté (nantissement, gage, hypothèque) sur un bien de son patrimoine personnel. En revanche, il est expressément exclu que l’entrepreneur puisse « s’auto-cautionner». Séparation du patrimoine oui, dédoublement de personnalité juridique, non.
La troisième brèche est la plus radicale : l’entrepreneur individuel pourra, à la demande d’un créancier, renoncer à la protection dont il bénéficie pour un engagement particulier. La séparation entre patrimoine personnel et professionnel sera dans ce cas totalement abolie et le créancier retrouvera un droit de gage sur l’ensemble des biens du débiteur, à l’exception de sa résidence principale (la protection créée en 2015 par la loi Macron n’est pas remise en cause).
L’usage nous dira si cette mesure de souplesse, destinée à assurer la confiance des partenaires financiers de l’entrepreneur individuel, ne réduira pas à néant l’intérêt de la nouvelle protection.
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