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Entreprise : faut-il ouvrir sa gouvernance aux salariés ?

Aidé par une législation qui a évolué au cours de ces dernières années, le mouvement est lancé. Faire participer les salariés aux décisions stratégiques de l’entreprise ne va cependant pas de soi, surtout dans les PME. Mais la nouvelle génération d’entrepreneurs pourrait bien faire évoluer les mentalités.

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C’est en recueillant les témoignages de chefs d’entreprise autour de la thématique de la gouvernance des entreprises que l’association NAPF (Place financière du grand Ouest), qui réunit les professionnels du droit, du chiffre et de la finance, a décidé d’orienter ses travaux sur la question de la participation des salariés à cette gouvernance, qui se doit « aujourd’hui d’être agile et évolutive ». En prenant le parti de la définir comme « la manière dont le chef d’entreprise s’entoure pour mener ses réflexions et prendre des décisions sur les sujets majeurs engageant la pérennité de l’entreprise. » En point d’orgue, l’association propose un livrable (1) afin de guider les entreprises et de les informer sur cette question.

Pour les plus grandes d’entre elles d’abord, c’est désormais une obligation : depuis la loi Pacte promulguée en 2019, toutes les sociétés d’au moins 1 000 salariés (et plus seulement celles qui sont cotées en bourse) ont l’obligation d’élire des administrateurs salariés au sein de leurs instances de direction. Idem, les sociétés anonymes (SA ou SCA) doivent comprendre des salariés, avec un droit de vote, dans leurs organes de gouvernance. Un principe qui ne va pas de soi dans notre pays. Alors que l’Allemagne compte 40% de salariés au sein des instances de gouvernance des entreprises, en France seulement 55 sièges, soit 10%, sont occupés par leurs représentants dans les entreprises du CAC 40 et… 7% au sein de celles du SBF 120. « Sur le territoire ligérien, le constat est sans appel : le mouvement demeure marginal », affirment les responsables de la commission Gouvernance de NAPF. Or, « partager les réflexions stratégiques, s’enrichir d’opinions diverses, intégrer des expériences nouvelles et parfois cachées permet aux dirigeants de s’adapter et aux collaborateurs de considérer l’avenir avec plus de sérénité. »

DES PME MOINS PRÊTES À PARTAGER ?

Certaines sociétés ont cependant inclus depuis longtemps des salariés au sein de leurs instances dirigeantes. Ainsi du groupe familial LNA Santé, spécialisé dans la prise en charge de la dépendance, qui comprend 70 établissements (Ehpad, centres de santé, soins de suite et réadaptation…) et dont le siège est à Vertou. Il a ouvert le capital à ses salariés et a créé en 2011 une holding, Nobilise, qui regroupe des managers intervenant auprès de l’équipe dirigeante. « L’association des salariés à la gouvernance, via la structure Nobilise, fait partie de la culture d’entreprise, explique Willy Siret, directeur général délégué aux opérations. La contribution au projet stratégique Grandir ensemble 2022 a poussé à des ajustements dans la gouvernance. » Chez le vendéen Fleury Michon, la démarche date de 2013. La voix des salariés administrateurs, qui ont reçu une formation ad hoc pour exercer cette fonction, « compte autant que celles des autres administrateurs du groupe », explique Grégoire Gonnore, PDG. Avant chaque réunion du conseil, ils échangent ensemble et savent qu’ils engagent leur responsabilité, même s’ils n’ont pas de comptes à rendre aux autres salariés. Pour mieux comprendre les enjeux, ils n’hésitent pas à participer aux réunions et groupes de travail. »

Cette démarche pourrait également concerner les PME, mais elle est freinée par « l’absence d’incitation juridique en dessous des seuils légaux, et, pour les sociétés autres que les SA ou SCA, une gouvernance existante moins structurée et moins mature. Les enjeux de gouvernance sont également perçus comme une complexité ou une contrainte supplémentaire », constate NAPF. Globalement, la crainte persiste sur des questions de confidentialité par exemple, ce que reconnaissent les dirigeants. « La gouvernance est un concept qui peut encore être source de peur lorsqu’elle est assimilée à une strate hiérarchique de plus, constate David Soulard, directeur général de Gautier, concepteur et fabricant vendéen de meubles. Chez Gautier, il s’agit d’une implication des salariés plus opérationnelle que stratégique. Pour les décisions stratégiques, je m’entoure du regard extérieur de conseillers, membres de la famille, de réseaux et de partenaires financiers. » Une forme d’ouverture donc, mais beaucoup plus « resserrée ».

ROMPRE LA SOLITUDE DU DIRIGEANT

Cependant, une nouvelle génération d’entrepreneurs est sans doute en passe de faire évoluer les choses : pour favoriser l’attachement à l’entreprise, augmenter la motivation et surtout aller dans le sens de la RSE, « les salariés sont devenus des parties prenantes de l’entreprise et de sa réussite », estime la commission Gouvernance de NAPF. Impliquer les salariés dans la gouvernance est aussi devenu, dans certains cas, un moyen de ne pas être seul. « Les jeunes dirigeants ressentent un besoin plus important d’associer les salariés à leurs décisions stratégiques, explique la commission Gouvernance. Allergiques à la solitude du dirigeant, les jeunes générations sont rompues aux méthodes de travail collaboratives, particulièrement dans un monde économique complexe, rapide, volatil et risqué. » Associer les salariés aux instances décisionnaires pour accompagner les changements pourrait devenir une thématique de toute actualité, en ces temps de crise sanitaire où les salariés, inquiets, demandent une transparence accrue sur les évolutions, les décisions et le devenir de leur entreprise.

 

(1) « Ouvrir sa gouvernance aux salariés, pourquoi pas vous ? » Téléchargeable sur NAPF.fr

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