Selon l’établissement public France AgriMer, la France est le troisième producteur mondial de chanvre industriel après la Chine et le Canada. En 2022, près de 20 000 hectares étaient ainsi cultivés dans l’Hexagone par plus de 1 500 producteurs. Depuis 2009, la coopérative vendéenne agricole Cavac, avec sa filiale Cavac Biomatériaux, contribue à la réintroduction de cette culture. Sa volonté est de répondre aux enjeux climatiques et environnementaux en lançant une gamme de matériaux bas carbone et biosourcés, en particulier à destination du bâtiment. D’après le ministère de l’Écologie, ce secteur est en effet responsable de 23 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.
Lire aussi
Cavac Biomatériaux inaugure sa nouvelle usine d’isolants à base de chanvre
Quinze ans plus tard, trois cent cinquante agriculteurs adhérents de la Cavac, répartis entre la Vendée et les Deux-Sèvres, cultivent 2 000 hectares de chanvre. Tous sont situés dans un rayon de 150 kilomètres autour de Sainte-Gemme-la-Plaine (sud Vendée). Cette première usine étant arrivée à saturation, une seconde vient d’être inaugurée le 20 septembre, à Sainte-Hermine. À la clé, la création de quinze emplois, portant l’effectif total de Cavac Biomatériaux à cinquante-huit salariés. En rodage depuis le mois d’avril, le nouveau site de 15 000 m2 est opérationnel depuis début septembre. Il se compose d’une usine de dernière génération de 8 000 m² et d’un espace de stockage de 7 000 m². L’unité de production est entièrement tournée vers le nappage, c’est-à-dire la transformation de la fibre en panneaux isolants. Cette activité représente 60 à 70 % du chiffre d’affaires de Cavac Biomatériaux qui s’élève à 20 millions d’euros. Deux types de produits de la marque Biofib isolation y sont fabriqués : Biofib trio, un mélange de chanvre, lin et coton, et Biofib cloison, produit doté également de propriétés d’isolation phonique. Sainte-Hermine est aujourd’hui la seule usine en France entièrement dédiée à la production d’isolants à base de chanvre.
De la culture du chanvre à la production d’isolants…
« De la culture du chanvre à la production industrielle d’isolants Biofib Isolation, nous maîtrisons toutes les étapes de la fabrication », résume Vincent Hannecart, directeur général de Cavac Biomatériaux. L’usine historique de Sainte-Gemme-la-Plaine, elle, se consacre désormais au défibrage du chanvre, ainsi qu’à la production de paillage, de litière et de béton de chanvre.
Grâce à son nouvel outil industriel robotisé et dimensionné pour produire jusqu’à 3,80 mètres de large, Cavac va pouvoir doubler sa capacité de production, passant de cinquante à cent-dix maisons isolées par semaine. « Notre objectif est d’arriver à cent cinquante maisons par semaine en 2030 », précise Vincent Hannecart. Le directeur général de Cavac Biomatériaux a de bonnes raisons d’être optimiste.
Deux réglementations tirent le marché de l’isolant à base de chanvre vers le haut. D’abord la RE2020 qui favorise l’intégration de matériaux bas carbone dans la construction. Ensuite, la loi Climat et Résilience qui oblige à utiliser des matériaux biosourcés ou bas carbone dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique. « Les matériaux isolants biosourcés représentent 11 % de part de marché contre 2 à 3 % il y a quinze ans. Je suis certain qu’ils vont continuer à s’imposer dans les dix ans à venir », affirme de son côté Olivier Joreau, président de Cavac Biomatériaux.
Un puits de carbone, une culture zéro phyto
Reconnu pour ses performances thermico-acoustiques par l’Acermi, l’Association pour la certification des matériaux isolants, le chanvre constitue donc une alternative vertueuse pour décarboner et répondre aux enjeux environnementaux. « C’est un grand réservoir de biodiversité et un véritable puits de carbone. Un hectare de chanvre, c’est l’équivalent de quinze tonnes de CO2 piégées par an, soit autant qu’un hectare de forêt ! », révèle Olivier Joreau.
« Notre matière première arrive à l’usine en ayant déjà capté du carbone. Transformée en isolant, sa fonction va être l’évitement du carbone. Grâce à ses performances techniques, il permet d’éviter ou limiter l’utilisation du chauffage ou de la climatisation, afin de réduire la consommation d’énergie, émettrice de gaz à effet de serre. À noter qu’un produit à impact négatif comme Biofib cloison, composé à 100 % de chanvre, va apporter un crédit positif au bâtiment », complète Vincent Hannecart. « Par ailleurs, la fibre du chanvre a la particularité d’absorber l’humidité et de la restituer en fonction de l’hygrométrie de l’air, apportant un confort été comme hiver. »
Le chanvre possède ainsi de nombreuse qualités écologiques et agronomiques. Peu gourmande en eau, la plante résiste bien à la sécheresse. Elle pousse seule, sans intervention de l’agriculteur. Sa croissance est rapide et permet ainsi d’éviter toute utilisation de produit phytosanitaire. Sa culture exige également deux fois moins d’azote que le colza et le blé et c’est un excellent piège à nitrate. Il s’intègre parfaitement dans la rotation des cultures. « Cette culture permet aussi de rompre le cycle des maladies », précise Nicolas Danieau, producteur de chanvre depuis 2018. « Par ses racines qui vont en profondeur, le chanvre structure et aère le sol, facilitant l’implantation de la culture suivante. Le blé cultivé après un chanvre obtient systématiquement une meilleure fertilité, entre cinq et dix quintaux de plus à l’hectare. » Enfin, le chanvre ne génère aucun déchet. De la fibre à la chènevotte, son squelette, la plante est entièrement valorisable. La filière chanvre est une industrie à impact positif pour son territoire.
« Le chanvre est une filière agroécologique d’avenir », acquiesce Olivier Joreau. Conscient de ce potentiel, Cavac Biomatériaux a d’ailleurs prévu sur son site de Sainte-Hermine la possibilité de créer une seconde ligne de production.