Au sein du groupe BPCE, le réseau des Banque populaire compte douze établissements régionaux, chacun solidement ancré dans son territoire. La Banque populaire Grand Ouest (BPGO) s’y distingue à double titre : par l’étendue de son périmètre (Bretagne, Pays de la Loire et une partie de la Normandie) qui en fait l’une des plus vastes banques régionales, et par son poids économique. Quatrième Banque populaire du réseau en termes de produit net bancaire, la BPGO conjugue performance et ancrage coopératif. Elle rassemble 900 000 clients, 433 000 sociétaires et 3 000 collaborateurs autour de deux marques complémentaires, Banque populaire et Crédit maritime Grand Ouest, qui incarnent son modèle coopératif.
La confiance des acteurs économiques reste fragilisée, dans un contexte global et durable de tensions sociales, d’incertitudes politiques et de dégradation de la dette française. Quel impact cette situation a-t-elle sur la banque et sur vos clients ?
Benoît Catel : L’instabilité actuelle a trois effets majeurs. D’abord, elle crée un climat d’attentisme. Quand les entreprises ou les ménages voient la France confrontée à une dégradation de sa note souveraine, à des tensions fiscales ou politiques, cela nourrit le doute, voire une forme de marasme collectif. Or l’économie, c’est aussi une question de confiance et de projection.
Ensuite, il y a le sujet du coût de l’argent. Plus la France emprunte à un taux élevé, plus les banques doivent payer des intérêts coûteux, ce qui entraîne mécaniquement une hausse des coûts du crédit pour les particuliers et les entreprises. C’est une mécanique récessive : des projets sont différés ou abandonnés, faute de rentabilité suffisante.
Enfin, ce contexte fragilise les sociétés les plus vulnérables. Depuis dix-huit mois, nous observons une hausse significative des défaillances d’entreprises et de professionnels. Parfois, tout se joue à un contrat signé ou non. Cela crée une fragilité qui peut avoir des conséquences en chaîne, y compris sur l’emploi.
Carine Chesneau : Pour autant, tout n’est pas noir. Dans le secteur de l’acier, où j’évolue (dirigeante du groupe Lambert à Couëron, NDLR), nous faisons face à des enjeux particuliers, tels que des prix volatils et des choix de localisation des fournisseurs, mais nous continuons d’avancer malgré ce contexte tendu. Plus largement, les chefs d’entreprise ont appris à composer avec les crises successives, qu’il s’agisse du Covid, de l’énergie ou des matières premières. Ceux qui placent le client au centre, qui accélèrent leur transition énergétique, numérique ou organisationnelle, traversent mieux les turbulences, car ils gagnent en agilité.
Et puis il y a un autre facteur qui compte beaucoup : le territoire. Ici, dans les Pays de la Loire et en Bretagne, le tissu économique est solide, structuré, avec des entreprises qui s’appuient les unes sur les autres. La solidarité entre dirigeants existe vraiment, et elle est un atout par rapport à d’autres régions. À cela s’ajoutent une démographie dynamique et une économie locale diversifiée qui renforcent la résilience et offrent même des perspectives de croissance malgré les incertitudes.

Carine Chesneau, présidente de la Banque populaire Grand Ouest (BPGO) Benoît Catel, directeur général BENJAMIN LACHENAL – IJ
Vous évoquez l’ancrage territorial comme un atout pour la résilience économique. Ce lien local se traduit-il dans la coopération avec vos sociétaires, et comment cela vous aide-t-il à affronter les mutations du secteur bancaire ?
C. Ch. : C’est un modèle spécifiquement français, fondé sur une multitude de sociétaires qui investissent localement et renforcent les fonds propres de leur banque à travers leurs parts sociales. Ce modèle collectif et solidaire soutient directement le développement économique du territoire : projets de vie, associations, entreprises. Être sociétaire, c’est presque un acte citoyen : on choisit d’investir dans la banque de son territoire, pour que celle-ci finance son tissu économique. C’est une logique responsable, pérenne et de proximité, très différente des banques capitalistes.
Pour autant, « coopératif » ne veut pas dire « philanthropique ». Il faut que la banque soit performante…
B. C. : Exactement. Le modèle coopératif reste dominant en France (Crédit agricole, Crédit mutuel, Caisses d’épargne, Banque populaire représentent près de 90 % du marché), mais il impose une rigueur particulière. Contrairement aux banques cotées, nous n’avons pas accès aux marchés financiers pour lever du capital. Nos seuls leviers sont les apports des sociétaires et les résultats que nous dégageons. Cela nous oblige à une gestion exigeante : piloter un bilan de 40 milliards d’euros de manière stratégique, renforcer en continu nos fonds propre…