L’émotion de leurs ultimes instants à terre, dimanche 10 novembre, résonne encore dans nos mémoires. Portée par trois cent cinquante mille spectateurs amassés le long du chenal, la grande fête du départ était belle. Les larmes de bonheur de Charlie Dalin, ce mardi 14 janvier, nous font prendre conscience de l’incroyable défi sportif de ces quarante marins. Depuis dix éditions, le Vendée Globe reste la plus prestigieuse et la plus difficile des courses au large en solitaire, sans escale ni assistance.
Trois caps mythiques : Bonne Espérance, Cap Leeuwin et Cap Horn. Plus de 45 000 kilomètres (24 300 milles). Du golfe de Gascogne et les premiers choix des skippers à l’anticyclone des Açores et ses premiers pièges en passant par les quarantièmes rugissants puis les cinquantièmes hurlants : le parcours reste semé d’embûches. « Ce sont des marins de l’extrême, qui vont au-delà de leurs limites. Mais surtout, ils nous ont fait vivre des surprises quotidiennes, sur des bateaux de mieux en mieux préparés », a salué Alain Lebœuf, président du Vendée Globe, à quelques heures du sacre de Dalin.
La recette sportive ne change pas et pourtant ce dixième tour du monde a marqué un tournant dans l’histoire de la course. Entre engagements environnementaux, flotte record, succès populaire et médiatique, retour en six points sur l’édition 2024-2025.
1. Vainqueur et nouveau record : Dalin entre dans la légende
Avant même de briller sur cette édition, le Havrais Charlie Dalin (Macif Santé Prévoyance) faisait figure de grand favori. Après avoir remporté les deux courses qualificatives de la SAEM Vendée (Vendée Arctique et la New York Vendée – Les Sables-d’Olonne), le skipper avait à cœur de prendre sa revanche. En 2021, il avait franchi la ligne d’arrivée en tête avant de se voir relégué en deuxième position après la compensation de temps attribué à Yannick Bestaven à la suite du sauvetage de Kévin Escoffier.
Après quatre ans d’attente, Charlie Dalin entre dans le cercle restreint des vainqueurs de la course aux côtés des Titouan Lamazou, Alain Gautier, Michel Desjoyeaux ou encore Vincent Riou. Son duel au sommet avec Yoann Richomme (Paprec Arkéa) a ajouté un zeste de suspense à une course haletante. Mais il se paye surtout le luxe de donner un nouveau record au « Vendée » en pulvérisant de neuf jours la performance d’Armel Le Cléac’h en 2016 (soixante-quatorze jours). Il y a trente-cinq ans, il fallait cent dix jours pour affronter les océans du globe.

Le skipper Macif Santé Prévoyance Charlie Dalin pulvérise le temps de référence de neuf jours. OLIVIER BLANCHET / ALEA
2. Un plateau sportif hypercompétitif
La création de courses intermédiaires, des skippers recalés, l’affaire Crémer… L’avant-course avait particulièrement animé l’année 2024, avec pour la première fois, un processus de qualification. Lors de l’inauguration du village, mi-octobre, le président Lebœuf avait confirmé et défendu les choix de l’organisation : « Nous ne courons pas après le gigantisme – pour des raisons de sécurité – donc la jauge a été établie à quarante marins pour cette édition, ainsi qu’en 2028. »
Des skippers chevronnés (Samantha Davies, Jérémie Beyou, Jean Le Cam…) aux plus novices (Guirec Soudée, Denis Van Weynbergh…) : le plateau était éclectique mais relevé. Cette année encore, quelques skippers se sont révélés à l’instar de Violette Dorange (DeVenir). La benjamine de cette édition a donné un nouveau souffle médiatique en réinventant les codes de la communication dans le monde de la voile. Ses réseaux sociaux ont explosé les compteurs au fil des semaines. Elle poursuit sa route vers Les Sables-d’Olonne avec une remontée du chenal prévue autour du 14 février.
Dans le même registre, le Vendéen Sébastien Simon (groupe Dubreuil), en passe de figurer à la troisième place du podium, a marqué les esprits par sa ténacité et sa joie d’être en mer malgré la perte de son foil tribord. Sans oublier une course qui s’internationalise, d’édition en édition, avec onze nationalités représentées. Un record qui amène un autre record avec soixante-huit diffuseurs au départ dont quarante-sept internationaux pour une visibilité mondiale. Ils sont encore une trentaine, ce 14 janvier, pour le triomphe du skipper de Macif Santé Prévoyance.
3. « Vivre l’expérience Vendée Globe »
Avec un village départ XXL pour admirer les bateaux au ponton, composé d’une Muséographie et de multiples stands, les organisateurs avaient la volonté de « faire vivre l’expérience Vendée Globe » au plus grand nombre. Si le système de billetterie n’a pas eu le succès escompté, avec de nombreux ajustements, le public s’est déplacé en masse. En incluant le départ, 1,65 million de visiteurs a arpenté les pontons de Port Olona. Une hausse de 10 % par rapport à la dernière édition de référence en 2016 (confinement en 2020).
L’expérience Vendée Globe, c’est aussi vivre l’émotion. Le cérémonial du départ et le protocole millimétré et scénarisé, autour « d’images iconiques », ont pu faire grincer des dents. Malgré tout, de Virtual Regatta au suivi quotidien des skippers en passant par les vacations audios au rez-de-chaussée du PC course tous les jours, le public a vibré. La course rassemble toutes les générations, et l’engouement reste puissant.
4. Dix engagements environnementaux
Le Vendée Globe, « une pépite enviée ». Ces quelques mots d’Alain Lebœuf, lors de la cérémonie des vœux du Département, illustre la nouvelle dimension de la course. Et les défis de demain sont multiples. Avec une flotte plus conséquente et des visiteurs toujours plus nombreux, l’impact environnemental augmente de facto. Cette édition 2024 était donc celle des « dix engagements environnementaux ». Les premières conclusions devraient être distillées en cours d’année. Car réduire l’empreinte carbone et préserver les océans font office de priorité pour les organisateurs.
Cette année, l’une des principales mesures était la création de zones de protection des cétacés, heurtés par les skippers lors de précédentes éditions. Pour incarner cet engagement, le fonds de dotation Vendée Globe Foundation a été créé pour la préservation des océans et des écosystèmes marins, avec un budget de 300 k€ en cette première année. Par ailleurs, à travers un partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe), une méthodologie est en cours d’élaboration pour réduire les impacts des grands événements sportifs en France.
Vitrine des innovations de la course au large, ce cru 2024 a mis en avant de nouveaux systèmes de production d’énergies renouvelables, capteurs océanographiques ou de systèmes de prévention des collisions… Une aventure technologique face aux éléments climatiques. Pour la première fois, depuis 2008, des skippers ont croisé et navigué à quelques milles des icebergs.

En incluant le départ, 1,65 million de visiteurs ont arpenté les pontons de Port Olona au village départ. NICOLAS LE PORT – IJ
5. Le Vendée Globe, un levier économique
Depuis 1989 le Vendée Globe rayonne au-delà du monde de la voile. Et ses retombées sont multiples pour l’économie locale, les sponsors et les partenaires officiels. Dans IJ, en octobre, nous relations « qu’au-delà des 35 M€ générés directement à l’échelle de la Vendée par la course, l’événement engendre près de 300 000 nuitées ». De quoi doper le tourisme local durant de nombreuses semaines. S’il est encore trop tôt pour tirer un bilan, des études, commandées par le Département et la Ville des Sables-d’Olonne, donneront leurs premiers résultats en fin d’année.
Cœur battant de l’avant-course, le village de Port Olona s’est aussi mué, comme à chaque édition, en lieu d’affaires. Rendez-vous d’entreprises, séminaires professionnels et rencontres d’acteurs économiques se sont succédé durant trois semaines. « Le chiffre d’affaires du village des hospitalités a doublé, passant de 2 M€ à pratiquement 4 M € », a déjà annoncé Alain Lebœuf.
6. L’édition 2028 en ligne de mire
Il reste encore quelques semaines pour savourer l’édition 2024-2025 avec l’arrivée de l’ensemble de la flotte et d’une grande parade des skippers, le 10 mai. Toutefois, la préparation de la prochaine étape débutera rapidement, avec le marché des bateaux d’occasion comme porte d’entrée pour 2028. Dans un circuit Imoca qui se professionnalise, depuis la révolution technologique des foils, les projets sont plus lourds à monter.
Avant la prochaine échéance, les skippers devront entamer un nouveau cycle de qualification autour de la marque « Vendée Globe » avec la Vendée Arctique en 2026 et La New York Vendée – Les Sables-d’Olonne en 2027. Pour les skippers, il sera également l’heure de se pencher sur la construction des navires de course à l’heure du défi de la réduction de l’empreinte carbone (protection de la biodiversité et émissions de CO2). Sans compter des budgets qui avoisinent les 7 M€ pour un Imoca neuf. D’ici là, Les Sables-d’Olonne se seront également dotées d’un PC course permanent et d’une Cité du Vendée Globe. Le maire de la station balnéaire, Yannick Moreau, répète à l’envi son souhait de « faire des Sables la ville d’affirmation du Vendée Globe, en particulier avec des événements en dehors de chaque édition ».