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Alain Bernard : « Tu plonges, tu nages, tu gagnes »

Le 8 mars dernier, l’ancien nageur international Alain Bernard est venu à la rencontre des étudiants de l’école de management du sport Win Sport School, à Nantes. L’occasion pour lui de revenir sur son parcours de sportif de haut niveau et de livrer ses clés du succès. Au programme : objectifs, persévérance et résilience !

Le 21 mars 2008, Alain Bernard bat le record du monde du 100m nage libre. © Shutterstock

Le 21 mars 2008, Alain Bernard bat le record du monde du 100m nage libre. © Shutterstock

« Dans tout ce que je fais aujourd’hui, j’essaie de porter les valeurs du sport. Et parmi ces valeurs, la résilience et la persévérance font partie intégrante du très haut niveau. » De la résilience et de la persévérance, Alain Bernard a dû en mobiliser tout au long de sa carrière sportive. Son parcours, droit comme une ligne d’eau, a aussi été entrecoupé de « virages » et de « coulées ». Il s’en est parfois fallu de très peu pour que sa trajectoire ne prenne un tout autre tour.

Celui qui deviendra l’un des sportifs français les plus titrés, enchaînant aujourd’hui conférences et interventions, se décrit rétrospectivement comme un jeune « pas bavard, timide et introverti ». Vers l’âge de quatre ans, il apprend à nager et se prend vite de passion pour cette discipline. « Les conditions y sont équitables pour tout le monde, explique-t-il. La taille de la ligne d’eau est la même, la température est la même… Je me disais que j’allais évoluer dans un environnement où tout le monde avait sa chance ».
Très tôt, le natif d’Aubagne comprend que c’est en se fixant des objectifs, qui déterminent à leur tour une « ligne de conduite » au quotidien, qu’il pourra améliorer ses performances. « Tout gamin, je rêvais de progresser. Quand je faisais par exemple 1 min 15 s au 100 mètres nage libre, je visais 1 min 14 s, puis 13, puis 12. Et cela jusqu’au plus haut niveau international, lorsque mon meilleur temps personnel est devenu le record du monde. Et sur ce record du monde, je voyais encore des imperfections sur lesquelles travailler. »

Tenter, échouer, expérimenter. Recommencer. Ses objectifs, il les décline à court, moyen et long termes. Par exemple, il se disait : « Si dans quatre ans, je rêve de faire cela, il faut que dans deux ans, je sois là, et que l’année prochaine, je sois ici. Donc il faut que ce soir, à l’entraînement, je sois capable de faire ceci ou cela. » Un comportement également insufflé par son entraîneur Denis Auguin, « qui s’appliquait à lui-même une rigueur très forte, donc d’autant plus facile à me faire appliquer ». Pour le nageur, une seule certitude : sans travail, pas d’atteinte d’objectifs. « Il ne faut pas voir cette rigueur comme une contrainte, mais comme un cadre et une opportunité. »

Alain Bernard

Le 8 mars, Alain Bernard est venu à la rencontre des étudiants de l’école de management du sport Win Sport School, à Nantes, pour aborder son parcours de sportif de haut niveau. © IJ

« Rien de pire que de rester dans le flou »

On comprend vite que le fait de se fixer des objectifs soit central pour Alain Bernard, même lorsqu’il connaît des déconvenues. Ainsi, en 2003, alors qu’il a mis entre parenthèses ses études et pris une année sabbatique pour se consacrer à sa qualification aux Jeux Olympiques d’Athènes l’année suivante, une toxoplasmose et une mononucléose lui sont diagnostiquées. « Au lieu d’être deux ou trois mètres devant mes copains d’entraînement, je me retrouvais cinq mètres derrière eux. Quand on a l’ambition de se qualifier aux JO, on commence à cogiter et à se dire que l’objectif sera compliqué à atteindre. »
Malgré tout, il persiste, adapte son entraînement, mais échoue finalement à se qualifier. Paradoxalement, ce rêve brisé lui servira de carburant : « Si je n’avais pas vécu cet échec-là, je ne pense pas que j’aurais trouvé les ressources, les quatre années suivantes, pour tout faire pour aller aux Jeux. » Le coup est dur, mais il faut se relever. « Quand on échoue, on est dos au mur. Il faut tout de suite se refixer un nouvel objectif. Il n’y a rien de pire que de rester dans le flou. »

« Rien ni personne ne m’empêchera d’essayer de devenir le meilleur »

« Après ce moment-là, j’aurais eu toutes les raisons de passer à autre chose », se souvient Alain Bernard. N’ayant pas envie de retourner sur les bancs de l’école, il redouble d’efforts, passe beaucoup de temps dans les bassins, s’entraîne deux fois par jour, six jours sur sept. Il décroche aussi ses premiers sponsorings. « Contrairement aux idées reçues, le statut de nageur professionnel n’existe pas : nos revenus sont basés sur notre notoriété », souligne-t-il.

C’est une période où commence à monter en lui un leitmotiv : « Rien ni personne ne m’empêchera d’essayer de devenir le meilleur. » Ce mantra qu’il se répète l’aide à avancer, et, côté performances, l’apprentissage permanent et les sacrifices paient. 2008 est l’année du grand cru : il décroche le Graal à Pékin où il devient champion olympique, obtient l’argent au relais, le bronze sur 50 mètres nage libre et bat plusieurs records du monde.
En pleine finale du 100 mètres nage libre, Alain Bernard raconte qu’il voit sa vie défiler : « J’ai des flashs où je me revois enfant, apprenant à nager, puis deux mois avant la course, en pleurs au bout de ma piscine, me disant que je n’y arriverai jamais, puis je revois mes copains d’entraînement… Je sens que mon adversaire est à côté et que ça va se jouer à pas grand-chose… Finalement, je tends le bras, touche le mur et je vois le « 1 » en face de mon nom. Sacrée aventure ! »

L’aventure se poursuit. En 2010, après une contre-performance lors des championnats d’Europe, il passe le cap des demies mais cogite, dort mal. Juste avant la finale, une formule lapidaire de son coach l’extirpe de ses doutes. « Tu plonges, tu nages, tu gagnes. » Pour trois centièmes, Alain Bernard remporte l’or européen. De quoi le regonfler de confiance avant les JO de Londres, en 2012, d’où il repartira médaillé d’or au relais.

De cette persévérance, le sportif a tiré quelques enseignements. « Ce n’est qu’en allant au bout de nous-mêmes, dans nos retranchements, qu’on est capables de découvrir les vrais traits de notre personnalité. On a plein de raisons de baisser les bras, mais on en a aussi plein d’autres de faire face. Quand on s’engage pleinement dans un projet, on se sent vivant et la vie nous le rend tôt ou tard. »

 

Alain Bernard, aux championnats d’Europe de Budapest, en 2010. © Shutterstock

 

Du bassin à l’entreprise

Alain Bernard a pris sa retraite sportive à l’issue des JO de Londres en 2012. Il est depuis consultant, donne des conférences et développe des outils numériques pour le sport. Ainsi, avec la société montpelliéraine Vogo, il démarche les collectivités pour installer dans les piscines Vogoscope un système vidéo permettant notamment aux nageurs d’analyser et améliorer leur nage. Alain Bernard est également associé de Pool-On, basée à La Ciotat, qui a développé une solution de vidéo-projection subaquatique, transformant le fond des bassins en écran sur lequel sont projetés des contenus pédagogiques, sportifs ou artistiques.