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« Le jeu à la nantaise reste un modèle possible »

Sociologue des organisations, Daniel Ollivier est un expert dans le domaine du management. Il a également une expérience reconnue dans le sport, dans la formation des entraîneurs professionnels et le développement des centres de formation et de préformation. Ce supporter fidèle du FC Nantes est aussi l’auteur de plusieurs livres. Son dernier opus, "L’alchimie du jeu à la nantaise", est l’occasion de dresser un parallèle entre les mondes sportif et économique.

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Le FC Nantes lors de la Coupe de France 2022-©shutterstock

Vous analysez le style de jeu du FC Nantes à travers quatre grandes figures : José Arribas, Jean Vincent, Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix. Qu’est-ce qui vous a frappé chez eux ?

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Daniel Ollivier, auteur de L’alchimie du jeu à la nantaise – ©IJ

L’innovation permanente, dans tous les domaines. C’est par exemple le travail fait autour de la formation, avec des trouvailles extraordinaires comme la pédagogie de la découverte. Elle consiste à créer des situations à travers des simulations de jeu pour que les jeunes fassent appel à ce qui est le maître-mot à Nantes, à savoir l’intelligence collective. Le football est un jeu complexe, où il y a beaucoup d’incertitudes. Une compétition ne se passe jamais comme prévu. Mais plus on réduit l’incertitude, mieux ça se passe. Et pour réduire cette incertitude, il faut savoir gérer l’espace et surtout utiliser au mieux les ressources de l’équipe… À Nantes, en termes de philosophie de jeu, ça veut dire jouer pour les autres avant de jouer avec les autres. C’est un leitmotiv qui est revenu en permanence chez les différents coachs et éducateurs du club et ça passe nécessairement par le fait que, avant d’être sur le terrain, il faut apprendre à jouer. Et apprendre à jouer, c’est connaître les autres, nous dit Raynald Denoueix. Et ça, à Nantes, ça ne s’apprend pas à travers un modèle avec des procédures, des modes opératoires qui vont s’imposer à tous. Ça se co-construit avec les jeunes que l’on met face à des situations pour découvrir que le champ des possibles est toujours plus grand que ce que l’on peut imaginer ! Et donc les coachs ne se présentaient pas comme des sachants, mais comme des facilitateurs.

Cette pédagogie de la découverte, José Arribas l’avait déjà conceptualisée en 1960, voire avant d’arriver à Nantes, mais ce n’était alors pas du tout le modèle éducatif de l’époque ! Le football des années 60 était alors très physique, basé sur l’affrontement, alors que Nantes était dans l’évitement, la mouvance, la vitesse, la capacité à jouer ensemble. Le club choisissait des joueurs techniques, sélectionnés sur des critères d’intelligence et d’altruisme. Et ce qui est extraordinaire, c’est que pendant quatre décennies, ce qu’Arribas a mis en germe dans la tête de Jean-Claude Suaudeau, de Raynald Denoueix, qui ont été ses joueurs, va se prolonger quand ils vont devenir à leur tour entraîneurs. Et Jean Vincent qui n’était pas du sérail mais porteur de ces valeurs-là, va…