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Femmes dans le bâtiment : une opportunité pour le secteur

Constatant que le bâtiment peine à attirer des femmes, Batimix, le réseau de Loire-Atlantique qui œuvre pour la mixité dans le secteur, a démontré, témoignages à l’appui, l’opportunité que la féminisation des équipes représente.

Batimix, femmes, bâtiment

© Shutterstock

Réputé réservé aux hommes, le secteur du bâtiment et des travaux publics se féminise pourtant doucement. En 2020, les femmes représentaient 12,3 % des effectifs globaux du secteur, alors qu’elles n’étaient que 8,6 % en 2000. Si cette évolution peut paraître lente, elle reste néanmoins encourageante car le secteur emploie 50 % de femmes en plus qu’il y a 20 ans. Cela signifie aussi qu’il y a de plus en plus d’entreprises prêtes à engager une démarche de mixité. Si la situation est un peu moins critique en Pays de la Loire avec 13,5 % de femmes dans le secteur en 2020, soit 10 247 femmes, cette féminisation du BTP ne va pas assez vite aux yeux de Batimix, le réseau associatif de la Fédération française du bâtiment de Loire-Atlantique qui œuvre pour plus de mixité.

Pour passer à la vitesse supérieure, l’association a organisé, le 19 mai dernier dans les locaux de la Fédération française du bâtiment à Saint-Herblain, une table ronde sur l’opportunité que représente le recrutement de femmes dans le BTP. Cette dernière, qui a attiré une cinquantaine de personnes, s’articulait autour de témoignages de femmes qui s’épanouissent dans le secteur (conductrice de travaux, menuisière, chargée de relation locataires…), mais aussi de dirigeants ayant entamé une démarche de mixité au sein de leur entreprise. Coanimée par Béatrice Duboÿs, présidente de Batimix, et Magali Meyer, secrétaire de l’association, cette soirée a permis de se pencher sur trois questions : en quoi les femmes sont-elles une opportunité pour compléter les équipes? Comment les attirer dans ces métiers traditionnellement masculins? Comment les intégrer et les fidéliser ?

Si historiquement le port de charges lourdes était le plus gros frein à la féminisation du secteur, les choses semblent avoir évolué : « Depuis quelques années, la manutention est de plus en plus accompagnée grâce aux engins de levage, confirme Vincent Lebreton, dirigeant d’Atlantique ouvertures (Vigneux-de-Bretagne), une entreprise ayant engagé une démarche de mixité il y a un peu plus de cinq ans. Le port de charge est donc de moins en moins problématique pour intégrer de femmes dans nos équipes. Aujourd’hui, le premier frein est souvent dans la tête des patrons et c’est là qu’il y a encore du travail à faire ! Après, le plus gros challenge reste de dénicher des candidates. »

Justement, pour les attirer, le bâtiment semble à la traîne en matière de communication : « Il y a un manque cruel d’informations sur les carrières et opportunités du secteur, attaque Emmanuelle Tremaudan, déléguée régionale de l’association Elles bougent, dont le but est d’attirer les jeunes femmes vers les filières scientifiques, techniques, technologiques et d’ingénierie. Pour changer d’image auprès des jeunes, le secteur doit mieux faire connaître ses métiers et les revaloriser, notamment auprès des établissements scolaires et des organismes de formation. Il faut aussi permettre aux jeunes de multiplier les stages d’immersion en entreprise, et ne pas hésiter à faire témoigner plus de femmes pour qu’elles transmettent leur passion et suscitent des vocations. »

« CHOISIR LE BON ACCOMPAGNANT DÈS LE DÉPART »

Ensuite, pour que leur intégration soit réussie, « l’enjeu est de choisir le bon accompagnant dès le départ, puis créer un climat serein autour de la salariée, complète le dirigeant d’Atlantique ouvertures. Car si le premier exemple est une réussite, il a toutes les chances de créer un effet boule de neige. En revanche, il ne faut pas hésiter à combattre si besoin les stéréotypes au jour le jour. Mais contrairement aux idées reçues, cela ne représente qu’une minorité de salariés. La grande majorité étant déjà père ou mari, ils savent comment se comporter avec des femmes. »

ELLES AMÈNENT DE LA DOUCEUR ET DE L’APAISEMENT DANS UN MONDE RÉPUTÉ UN PEU BRUTAL

Batimix, femmes dans le batiment

Au micro, Veronika Alokhina, conductrice de travaux chez Eiffage, « ne comprend pas pourquoi il n’y a pas plus de femmes dans le bâtiment. » © IJ

 

Dernier pré-requis à une intégration réussie : « Il faut bien évidemment que les portes de l’entreprise lui soient véritablement ouvertes, ajoute la représentante d’Elles bougent, mais aussi que le terrain ait été bien préparé. Cela nécessite un travail de sensibilisation des managers en amont, mais aussi que la démarche soit validée par l’ensemble des équipes. »

« SALUT LES GARS »

Pour Veronika Alokhina, 29 ans, conductrice de travaux chez Eiffage, ces différents éléments se vérifient. Elle est effectivement tombée sous le charme du bâtiment lors d’un stage.« Je sortais d’école d’ingénieur, précise la spécialiste du génie civil. Après un stage en bureau d’études où j’ai trouvé les journées longues, j’ai enchaîné sur un autre en conduite de travaux chez Eiffage. Sur le chantier, tout est devenu plus concret et j’ai trouvé ça magique de voir le bâtiment se construire au fil des jours. C’était également une fierté de me retrouver chef d’orchestre de ces gros chantiers. Après un deuxième stage concluant, j’ai été recrutée comme conductrice de travaux. Franchement, je ne comprends pas pourquoi il n’y a pas plus de femmes dans le bâtiment, car c’est un secteur génial. En revanche, là où il reste des progrès à faire, c’est au niveau de la parité des salaires. »

Même si la jeune femme a eu le droit à un « salut les gars » lors de sa première réunion d’exploitation, elle a rapidement trouvé sa place dans un service où elle était au départ la seule femme : « Le fait que je sois une femme ne m’a en réalité jamais posé problème au quotidien car j’ai toujours été très bien accompagnée par mes maîtres de stage et mes collègues.» Elle a également constaté que le fait d’être une femme pouvait aussi avoir des avantages, y compris pour son employeur : « Sur les chantiers, j’ai constaté que mes remarques auprès des ouvriers passaient beaucoup mieux que celles de mes homologues masculins, la situation pouvant vite monter en pression. D’ailleurs, j’interviens souvent pour désamorcer des conflits entre deux corps de métier. »

DOUCEUR, SOIN ET ATTENTION

Ces bénéfices, le directeur d’Atlantique ouvertures les vérifie également : « On est ravis d’avoir intégré des femmes dans nos équipes. Aujourd’hui, on fait le forcing pour en attirer d’autres car la mixité est une incroyable source de richesse pour l’entreprise. Nos équipes mixtes fonctionnent tellement bien que ce sont les plus demandées par les particuliers. Le regard du client est très positif, car c’est forcément rassurant d’avoir une femme dans l’équipe. Elles amènent un peu de douceur et d’apaisement dans un monde réputé un peu brutal. Et elles sont souvent plus soigneuses sur les finitions que les hommes. La mixité est également source d’équilibre dans les équipes et elle a tendance à améliorer le comportement des hommes. En présence d’une femme sur un chantier, ils sont effectivement plus prudents dans leur façon de parler et globalement plus attentionnés. »

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