Ce mercredi de la mi-novembre, la lumière d’automne glisse sur la butte Sainte-Anne. En contrebas, la Loire déroule ses reflets d’acier verdâtre. Je pousse la porte du manoir accueilli par une buée tiède de beurre fondu, de jus réduit et de bouillon herbacé, cette alchimie d’odeurs qui annonce les grandes maisons. La cuisine, visible derrière une large ouverture, bruisse comme un cœur en action. Et là, Jean-Yves m’attend, tablier blanc ajusté et sourire en coin. Il me serre la main comme on reçoit un ami qu’on n’a pas vu depuis longtemps, me propose une coupe, puis m’invite à m’asseoir à l’imposante table en bois qui trône au milieu de la pièce, celle que l’on nomme la table du chef. D’emblée, la conversation s’engage, sans protocole, sans détour. Chez lui, tout est affaire de simplicité bienveillante.
« Dix ans ici… déjà ! » me confie-t-il en levant sa coupe, le regard pétillant, comme si chaque bulle portait un souvenir de ces années vouées à régaler ses convives. « C’est fou ce que le temps passe vite quand on fait ce qu’on aime. » Il évoque le transfert au manoir, la rénovation menée dans un délai record avec le groupe AIA Associés et l’architecte d’intérieur Laurence Bottin, et surtout cette volonté de créer une vraie maison de cuisinier. Jean-Yves parle de cette décennie comme on parle d’une maison qu’on bâtit pierre après pierre : « Je voulais un lieu où l’on se sente attendu, un endroit à nous, où l’équipe est une famille. »
Le goût du monde, l’esprit de famille
« On va déguster un petit menu surprise, quatre temps, juste pour le plaisir », me souffle-t-il comme pour inviter à entrer dans son monde. Le premier temps Éveil du palais arrive. Jean-Yves lève les yeux, le contemple comme un trésor, puis plonge sa cuillère avec gourmandise. Le ve…