Dans votre parcours, vous parlez souvent de votre passage sur le Belem comme d’un déclic…
Je suis né en Alsace et, après un bac S, je me destinais à devenir pilote de ligne. Découvrant la formation marine marchande, j’ai décidé de passer le concours de l’École nationale… Que j’ai réussi. J’ai étudié au Havre puis à Marseille avant de naviguer pendant sept ans, jusqu’à la naissance de mon enfant fin 2009. J’ai alors souhaité arrêter le long cours et me suis orienté vers des métiers plus terrestres, comme expert maritime sur des projets d’aménagement portuaire et de construction navale.
J’ai embarqué à deux reprises sur le Belem, quatre mois comme lieutenant en 2005 et 2006. Naviguer sur ce trois-mâts de 1896 m’a effectivement permis de toucher du doigt la puissance du vent, mais aussi sa noblesse et sa sobriété. Avec plusieurs cofondateurs de Neoline qui ont également eu la chance d’y embarquer, on en a tiré une certitude : le vent doit redevenir un levier moderne dans le transport maritime, pas juste un clin d’œil au passé. À tel point que sans le Belem, je suis convaincu que Neoline n’aurait jamais existé.

Jean Zanuttini, président de NeolineTransport maritime BENJAMIN LACHENAL – IJ
Vous êtes à l’origine du premier grand cargo vélique moderne. Comment se sont dessinés les contours de ce projet ?
L’histoire a débuté avec la Compagnie de transport maritime à la voile (CTMV), entre 2006 et 2010. Avec plusieurs collègues, nous avons participé à ce projet qui consistait à transporter du vin du Languedoc-Roussillon vers l’Irlande à bord d’un voilier neuf de 50 mètres. Autant dire qu’on nous a pris pour des fous à l’époque. Nous avons finalement réussi à affréter plusieurs navires pour l’Irlande, mais ce projet n’a pas survécu à la crise économique. Néanmoins, il nous a donné l’envie et la méthode.
Que s’est-il passé après cet échec ?
On a pris du recul. On a compris qu’on ne s’y était pas bien pris pour démontrer à quel point l’utilisation du vent pouvait être pertinente énergétiquement. En 2011, nous avons donc relancé l’idée, avec l’ambition de devenir un véritable transporteur grâce à un cap industriel clair et une logique de sobriété industrielle : créer une ligne maritime régulière utilisant le vent comme moyen de propulsion principale et pensée comme un service logistique moderne. Pas seulement comme une aventure écologique. C’est là que nous avons créé l’association Neoline, un nom qui incarne le renouveau du transport maritime.
Pourquoi le vent et pas un autre carburant alternatif ?
Le vent est gratuit, abondant et n’entre pas en concurrence avec d’autres usages. Il réduit directement la dépendance aux énergies fossiles et pousse à penser la navigation autrement, avec plus de sobriété et d’intelligence. Et à l’heure actuelle, aucun carburant de synthèse ne peut rivaliser en disponibilité et en coût avec le pétrole.
L’association a rapidement envisagé de construire le Neoliner Origin. Quelles sont ses caractéristiques ?
C’est un cargo de 136 mètres de long, avec une capacité de déplacement de 11 000 tonnes, qui peut embarquer du roulier, du hors gabarit et du conteneur. Il sera propulsé par deux mâts équipés de voiles semi-rigides Solid Sail développées par les Chantiers de l’Atlantique, qui culminent à 90 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Nous avons opté pour ces voiles d’abord pour leur durée de vie : elles devraient durer aussi longtemps que le navire, alors qu’une voile textile doit être remplacée tous les deux ou trois ans. Ensuite, pour la sécurité et leur simplicité d’usage : elles sont autoportées et peuvent tourner à 360°, ce qui évite de nombreux risques et réduit le temps de manœuvre. Enfin, plus on monte en hauteur, plus le vent est stable et fort, ce qui améliore le rendement du gréement.

Mise sur cale du premier bloc du Neoliner Origin Neoline
Vous évoquiez un peu plus tôt une logique de « sobriété industrielle ». Qu’est-ce que cela signifie ?
C’est accepter qu’aller un peu moins vite, c’est consommer beaucoup moins. Concrètement, passer de 15 à 11 nœuds divise presque par deux le besoin d’énergie pour effectuer le même trajet. Et si on ajoute le vélique comme moyen de propulsion principale, on peut diviser par cinq notre c…